Pomme de déesses et pomme dÉris

Pire que l’orange comme cadeau de Noël, la pomme comme cadeau de mariage !

L’histoire que je vous raconte aujourd’hui est celle d’un cadeau pas comme les autres, à l’origine de la plus mythique de toutes les guerres. 

Tout commence avec la néréide Thétis, divinité du fond de l’océan. Comme ses soeurs, elle est d’une grande beauté, et comme souvent dans la Mythologie, sa beauté est aussi son fardeau. Alors qu’il passe par là, Zeus aperçoit Thétis et projette immédiatement de la faire sienne. Mais il entend juste à temps la prédiction la sage Thémis  : “Déesse de l’onde, il faut que tu deviennes mère ; de toi naîtra un fils dont les exploits surpasseront ceux de son père et qu’on proclamera plus grand encore.” Refroidi par la prophétie, Zeus comprend qu’il ne peut laisser Thétis s’unir à un dieu, au risque de venir bousculer l’ordre bien établi de l’Olympe. Il choisit donc le mortel Pelée, roi de Phthie, comme époux pour la belle néréide. 

Seulement, Thétis, elle, n’est pas du tout de cet avis.

La déesse refuse de s’unir à un simple mortel et s’échappe. Avec l’aide du centaure Chiron, Pelée se met à sa poursuite et la retrouve dans une grotte de Magnésie. Ultime tentative de fuir ce mari encombrant, elle se transforme alors tour à tour en lion, serpent, feu, seiche, arbre et eau. Mais ce dernier l’attache avec des chaines et l’enserre si fort de ses bras qu’elle reprend sa forme humaine. “Ce ne peut être, dit-elle, que par la volonté des Dieux que tu triomphes.”* : Le mariage peut enfin avoir lieu. 

Le peintre flamand Hendrick van Balen nous offre une version très baroque des noces de Thétis et Pêlée. L’univers marin de la mariée, à gauche, rencontre le monde terrestre du marié, à droite. 

Sur le mont Pélion, les Hommes et les Dieux se retrouvent pour célébrer leur union. Chaque dieu, chaque déesse rivalise de cadeaux : des armes magiques, une armure invisible ou encore deux chevaux immortels, Xanthe et Balios, offerts par Poséidon et que Pelée donnera plus tard à son fils, un certain Achille… Mais n’allons pas trop vite en besogne !

C’est à ce moment de l’histoire que le somptueux mariage prend une tournure bien moins festive.

 

Éris, la Discorde, dont on redoute la présence, n’a pas été conviée. Pire encore c’est même la seule de toutes les divinités à avoir été mise de côté. Pour se venger de cet outrage, elle apporte un cadeau de mariage singulier : une pomme d’or sur laquelle on peut lire l’inscription « À la plus belle ! ». Trois déesses présentes se lèvent pour réclamer leur dû : Héra, Athéna et Aphrodite. Comme aucun des convives ne souhaite se mouiller dans cette affaire qui ne peut que mal tourner, Zeus décide de laisser le choix à un jeune berger du mont Ida. Son nom ? Pâris. 

Le Jugement de Pâris par Sandro Botticelli (et son atelier), vers 1482-1485, dont vous pouvez retrouver l’analyse du magazine Beaux-Arts en suivant ce lien.

Accompagnées d’Hermès, les trois déesses se rendent à la rencontre du jeune homme. À son oreille, chacune lui murmure des promesses en échange de son vote. Héra, la souveraine, lui promet de devenir le roi des mortels. Athéna, la guerrière, s’engage à faire de lui un conquérant. Aphrodite, elle, lui offre l’amour de la plus belle de toutes les femmes, Hélène. Le jeune berger a le coeur tendre et c’est la troisième déesse qui a sa préférence. 

Un siècle et demi plus tard,Rubens rejoue le Le jugement de Paris (1638) dans une version plus dénudée. 

Oui mais Hélène est déjà mariée à Ménélas, frère du roi des rois de Grèce, le terrible Agamemnon ! Pâris, de son côté, n’est pas un berger comme les autres, il est un prince troyen, fils de Priam. Alors quand Pâris enlève Hélène, Éris, à travers son terrible cadeau, obtient la discorde qu’elle venait semer. La guerre de Troie aura bien lieu ! 

* Ovide, Les Métamorphoses