À la recherche du site perdu

Peu de lectures d’enfance ont eu pour moi plus d’importance que les romans d’aventure de Jules Verne. Voyage au centre de la TerreLe Tour du monde en quatre-vingts jours et surtout mon préféré Vingt Mille Lieues sous les mers. C’est à travers les aventures du capitaine Nemo que je découvre pour la première fois le mythe de l’Atlantide. Ce continent perdu me fascine. Quelques années plus tard, en voyage à Rhodes avec ma famille, on me raconte qu’il y avait ici un colosse immense. Il faisait parti des sept merveilles du monde, me dit-on. Ces merveilles, je me les suis longtemps récitées, dans l’ordre, dans ma tête. La pyramide de Khéops, les jardins suspendus de Babylone… à part la pyramide, toutes ou presque étaient soit détruites, soit disparues. Chacune évoquaient pour moi un univers fantastique, mais aucune n’était plus intrigantes que celles dont on ne connait l’existence que grâce à des récits. En me promenant à Rhodes, je m’interrogeais. Comment un géant de pierre peut-il disparaitre ? Et surtout, comment être sûre qu’il a bien existé ? C’est justement une de ces histoires entre le rêve et la réalité que je vais vous raconter aujourd’hui. Celle d’une cité perdue puis retrouvée, Olympie. 

Les derniers Jeux se déroulent en 393 après JC mais leur légende reste elle bien vivante tout au long des siècles grâce aux récits des auteurs antiques tels qu’Hérodote, Pindare, Pausanias ou Pline l’ancien. Pour le site qui les accueillait, c’est en revanche une autre histoire. Ce n’est qu’en 1766 qu’il est “redécouvert” par l’archéologue britannique Richard Chandler, soit 1373 ans après les derniers Jeux et leur funeste interdiction par l’empereur Théodose Ier. 

Entre temps ? Comme je sais qu’une belle gravure vaut mieux qu’un long discours, je vous laisse admirer :

 La vallée d’Olympie avant les fouilles archéologiques, Julius Springer, 1886

Difficile d’imaginer que ce lieu qui fut au coeur de la civilisation grecque antique, ait été comme effacé de la surface du globe. Pourtant, pendant près de 14 siècles, Olympie est introuvable, comme disparue. 
 Comment est-ce possible de cacher ce Zeus gigantesque d’or et d’ivoire qui est, lui aussi, l’une des sept merveilles antiques ? Le temple d’Héra ? Celui de Zeus ? Le stade et toutes les installations sportives ? 
Contrairement au colosse de Rhodes, plusieurs pistes d’explications existent. Après les derniers Jeux, en 393 après JC, Olympie est rapidement abandonnée. Mais ce sont deux séismes en 522 et en 551 après JC qui expliqueraient sa destruction. Puis, la rivière voisine Kladeos aurait déposé des alluvions de plusieurs mètres qui auraient totalement enseveli le site. Une thèse alternative a été développée en 2011 par le géographe allemand Andreas Vött. Celui-ci affirme que des tsunamis, et non des tremblements de terre, auraient causés la destruction et l’enfouissement du site. 

Olympie avant les fouilles vue par Abel Blouet avec son Expédition de Morée, 1831

Au fil des siècles, la fascination des nations européennes pour l’Antiquité s’intensifie. Les textes des auteurs antiques, conservés grâce aux moines copistes pendant le Moyen-Âge, connaissent un regain d’intérêt pendant la Renaissance et depuis, l’ouest de l’Europe n’a eu de cesse de se réapproprier la civilisation greco-romaine. Que ce soit avec les Grands Tours, ces voyages initiatiques réalisés par les aristocrates français, britanniques, allemands, néerlandais ou scandinaves en Italie ou en Grèce, ou à travers l’apprentissage du latin et grec ancien. En toute logique, l’archéologie se développe et devient même un enjeu de puissance entre les États européens concurrents au XIXème siècle.

C’est un moine bénédictin français qui, le premier, semble avoir émis l’idée de partir à la recherche du site perdu d’Olympie en 1723. Mais ce n’est qu’en 1766 donc que Richard Chandler identifie le site. En 1829, pendant la guerre d’indépendance grecque, l’institut de France propose qu’une expédition scientifique accompagne les troupes françaises venues aider les indépendantistes grecs. Sous le nom de « l’expédition de Morée », les archéologues français passent six semaines sur le site d’Olympie. Puis en 1873, l’Allemagne conclut avec le gouvernement grec un accord pour obtenir le monopole de la gestion archéologique d’Olympie. La concession du site leur est acquise pour dix ans et une première campagne de fouilles est lancée par l’École Archéologique Allemande. C’est à cette époque que la grande majorité du site est exhumée.

Travailleurs grecs et archéologues allemands sur le site d’Olympie en 1875

Soixante ans plus tard, l’Allemagne, toujours, s’empare du site dans un tout autre contexte historique.

Au pouvoir depuis trois ans, Hitler annonce qu’il souhaite relancer les fouilles sur le site d’Olympie à l’occasion des JO de 1936 que l’Allemagne s’apprête à accueillir. Son objectif est de démontrer la filiation entre les Grecs antiques et les proto-Germains, à l’origine, selon lui, de la fameuse race aryenne. L’expédition, bâclée d’un point de vue scientifique, s’évertue alors à obtenir des preuves de la thèse hitlérienne à grand renfort d’aberrations historiques et contre-vérités. L’architecte Hans Schlief, qui devait sa place dans l’expédition plus à son rang chez les SS qu’à ses connaissances en archéologie, prétend que Pélops, le fondateur mythique des Jeux Olympiques, était en réalité un héros nordique de race aryenne. L’universitaire allemand Langlotz affirme quant à lui en 1942 que l’analyse des casques trouvés à Olympie donne des informations sur la forme du crâne des Grecs, qui se rapprocheraient des idéaux aryens.

L’atelier de Phisidias, où aurait été réalisé la statue chryséléphantine de Zeus, considérée comme la troisième merveille du monde

Jusqu’en 1996, les archéologues allemands sont en charge des fouilles à Olympie et ce n’est que très récemment que des archéologues grecs prennent le relais. Avec beaucoup de succès puisqu’un taureau en bronze quasi intact de plus de 2 500 ans vient d’être découvert à côté du temple de Zeus.

Le taureau en bronze en question !