L’allégorie derrière votre olivier

Le rameau d’olivier d’Éiréné, déesse de la paix, l’olivier qu’Athéna fait jaillir du sol pour gagner le patronage de la ville d’Athènes, la couronne d’oliviers des jeunes mariés : l’olivier porte en lui de multiples allégories. Poursuivons ensemble ce jeu des symboles !

Éiréné / Εἰρήνη

L’allégorie que nous choisissons pour cet arbre-ci est justement Éiréné, la déesse de la paix. Dans l’Énéide, Virgile associe à plusieurs reprises son attribut, le rameau d’olivier, à la Paix. Mais c’est surtout l’Ancien testament, avec Noé, qui impose notre arbre fétiche définitivement comme le symbole de la paix partout en Occident.

Antéros / Ἀντέρως

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Antéros, le dieu de l’amour réciproque, ou de la haine et de l’aversion. Attention, Antéros est susceptible et punit également ceux qui se moquent de l’amour. Celui-là ne badine pas avec l’amour, vous l’avez compris. 

Gélos / Γέλως 

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Gélos, l’esprit du rire. On trouve des traces de son culte à Sparte. 

Harmonie / Ἁρμονία 

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Harmonie, déesse de l’ordre, de la symétrie et de la concorde. 

Thrasos / Θράσος 

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Thrasos, l’esprit de l’audace. Thrasos possède deux visages : personnalisation du courage, il peut devenir arrogant quand il s’emporte. 

Eulabéia / Εὐλάβεια

 

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Eulabéia, l’esprit de la discrétion, de la prudence et de la circonspection. Dans l’évangile selon Saint Luc, on retrouve le terme “eulabe” (εὐλαβής) pour caractériser un homme pieux. 

Tyché / Τύχη

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est  Tyché, la déesse de la chance, de la providence et du destin. Elle est représentée avec une balle qui rebondit de bas en haut, signe de l’insécurité de nos destins. 

Hédoné / Ἡδονή 

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Hédoné, l’esprit du plaisir. L’union entre Psyché (l’Âme), et Éros (le Désir), ne pouvait qu’engendrer la plus sensuelle des déesses. 

Édos / Αἰδώς

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Édos, l’esprit de la décence, de la révérence et du respect. 

Pistis / Πίστις

 

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Pistis, l’esprit de la confiance, de l’honnêteté et de la bonne foi. Les Romains avec son équivalent Fides feront d’elle, plus tard, une divinité de premier ordre. 

Nomos / Νόμος

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Nomos, l’esprit de la loi. Décrite par Hérodote, elle seule permet selon lui aux humains de vivre ensemble en harmonie. 

Hormé / Ὁρμή

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est  Hormé, l’esprit de l’élan, de l’enthousiasme, du fait de se mettre en mouvement et de commencer une action. Liée au culte d’Athéna, Hormé est associée aux artisans, à tous ceux qui travaillent avec leurs mains. 

Alètheia / Ἀλήθεια

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Alètheia, l’esprit de la vérité, de l’honnêteté et de la sincérité. Chouchoute des philosophes, elle apparaît dans les textes du Grec Parménide au Vème siècle avant JC puis chez… Heidegger au XXème siècle !

Technè / Τέχνη

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Technè, la personnification des arts et des compétences. Le terme techné devient chez Aristote l’action efficace qu’il oppose à la praxis, l’action qui permet de se perfectionner. 

Aergie / Ἀεργία

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Aergie, l’esprit de l’oisiveté, de la paresse et de l’indolence. D’après l’auteur latin Hygin, elle garderait Hypnos, dieu du sommeil, dans le royaume souterrain des morts. A priori, ils devraient bien s’entendre. 

Euthénie / Εὐθενία

 

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Euthénie, l’esprit de la prospérité, de l’abondance et de la profusion. Elle est une des quatre Charites (qui deviendront les Grâces romaines) avec ses sœurs Philophrosyne (la Bienveillance), Euphémé (les Louanges) et Eukléia (la Gloire). 

Elpis / Ἐλπίς

 

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Elpis, l’esprit de l’espérance et des attentes. Seul maux resté au fond de la boîte de Pandore, Elpis interroge notre compréhension de la notion d’espérance. Elle est cette attente ambigüe qui fait le sel de l’existence humaine !

Péitho / Πειθώ

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Péitho, l’esprit de la persuasion et de la séduction. Selon Hésiode, elle aide les Heures et les Charites à parer Pandore (celle de la fameuse boîte) de tous les attributs de la séduction. 

Philophrosyne / Φιλοφροσύνη

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Philophrosyne, l’esprit de la bienveillance, de la bonté et de la bienvenue. Malgré son nom pas très avenant, elle est l’une des quatre Charites (qui deviendront les Grâces romaines) avec ses sœurs Euthénie (la Prospérité), Euphémé (les Louanges) et Eukléia (la Gloire). 

Arété / Ἀρετή

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Arété, l’esprit de la vertu, de l’excellence, de la moralité et de la bravoure. Pour l’helléniste Werner Jaeger, l’arété représente pour les Grecs anciens l’adaptation parfaite, un idéal utile, qui s’ajuste, loin de nos acception modernes de la vertu. 

Ponos / Πόνος

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Ponos, l’esprit du travail et du labeur. Fils d’Eris (la Discorde), selon Hésiode, il a entre autres pour soeurs Léthé (l’Oubli), Limos (la Famine), les Algos (la Douleur), les Phonoi (les Meurtres), ou encore les Pseudea (les Mensonges). On choisit pas sa famille…

Adéphagie / Ἀδηφαγία

 

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Adéphagie, l’esprit de la satiété et de la gloutonnerie. Le jargon médical français, très friand des étymologies grecques, lui a emprunté son nom pour définir une faim excessive. 

Morphée / Μορφεύς

Le Morphée de Houdon (1777)

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Morphée, le dieu des rêves, qui prend forme humaine. Dans l’Iliade, Zeus l’envoie auprès d’Agamemnon pour lui suggérer le rêve destructeur qui incite les Achéens à reprendre le combat. 

Sophrosyne / Σωφροσύνη

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Sophrosyne, l’esprit de la modération, de la maîtrise de soi, de la tempérance, de la retenue et de la discrétion. Elle a donné son nom à un tout petit crustacé tout aussi modeste qu’elle.  

Euphémé / Εὐφήμη

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Euphémé, l’esprit des mots de bon augure, de l’acclamation, de l’éloge, des applaudissements et des cris de triomphe. Elle est une des quatre Charites (qui deviendront les Grâces romaines) avec ses sœurs Philophrosyne (la Bienveillance), Euthénie (la Prospérité) et Eukléia (la Gloire). 

Kalos kagathos / Καλοκαγαθία

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Kalos kagathos, l’esprit de la noblesse. Devenue une expression idiomatique exprimant l’idéal de corps et d’esprit, “kalos kagathos” est en quelques sortes l’ancêtre du fameux “mens sana in corpore sano” latin. 

Niké / Νίκη 

La Victoire de Samothrace représentant Niké

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Niké, la déesse de la victoire. C’est la forme de ses ailes qui inspirera à une célèbre marque de sport américaine son fameux logo

Caerus / Καιρός

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Caerus, l’esprit de l’opportunité. C’est le plus jeune des fils de Zeus, le petit chouchou en quelque sorte. 

Coros / Κόρος

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Coros, l’esprit de l’excès. Il accompagne Dyonisos, le dieu de la vigne. On lui avait pourtant dit que boire en excès comporte des risques. 

Épiphron / Ἐπίφρων

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Épiphron, l’esprit de la prudence, de la perspicacité, de la prévenance et de la sagacité. Fils d’Érèbe (les Ténèbres) et de Nyx (la Nuit), il a retenu la leçon de ses parents : dans l’obscurité, la prudence est de mise, sur la route comme dans la vie. 

Bia / Βία 

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Bia, l’esprit de la force, de la puissance, de la force physique et de la compulsion. Avec le dieu Cratos, elle enchaîne Promethée au aux rochers du Caucase sur ordre de Zeus pour le punir d’avoir donné le feu aux humains. 

Écéchéirie / Ἐκεχειρία

L’allégorie que nous associons à cet arbre-ci est Écéchéirie, l’esprit de l’armistice et de la fin des hostilités. Il est honoré aux Jeux Olympiques.

Avec ou sans filtre ?

La récolte achevée, l’heure est au repos ! Pour les travailleuses et travailleurs mais aussi pour l’huile nouvelle, qui patiente dans une grande cuve en inox. Et avant d’être embouteillée, elle passe par une étape plus importante qu’il n’y paraît : le filtrage. 

L’huile non filtrée possède un aspect trouble que vous avez peut-être déjà observé. Sa turbidité et le petit dépôt qui se forme parfois évoque une culture naturelle, authentique. Avant de vous laisser charmer par sa rusticité, laissez-moi vous en dire un peu plus. 

Avec Manolis, le producteur, notre choix est de filtrer l’huile avant de la mettre en bidon. Et nous avons de bonnes raisons pour le faire ! 

Détail de bouteilles d’huile d’olive non filtrée.

La turbidité de l’huile non filtrée est créée par la présence d’éléments qui n’ont pas eu le temps de redescendre pendant la phase de repos : de la pulpe d’olive, des restes de noyau et un peu d’eau qui se trouvait dans le fruit.

Mais il faut se méfier de l’eau qui dort, encore plus quand elle dort dans notre huile chérie. L’eau fait augmenter l’acidité de l’huile. Or, ce taux d’acide oléique qui détermine si une huile peut obtenir la mention « vierge extra » doit rester le plus bas possible. Pour les restes de noyaux, s’ils passent inaperçus la plupart du temps, ils peuvent de temps en temps fermenter et dégrader l’huile qui développe alors des défauts. Hormis ces défauts organoleptiques qu’il prévient, le filtrage n’a aucun impact sur les arômes d’une huile. 

Enfin, filtrer permet de protéger les machines d’embouteillement qui pourraient s’enrayer. Cela peut paraître anecdotique mais comme nous avons la chance d’embouteiller « à la maison », c’est à dire chez Manolis qui stocke l’huile dans son atelier, les machines utilisées pour la mise en bidon sont efficaces mais sommaires. Nous les traitons donc avec grande précaution pour continuer de les utiliser très longtemps !

L’huile qui vient d’être pressée est trouble et possède ce vert insolite qui surprend souvent la première fois.

Dans ce cas, pourquoi trouve-t-on de l’huile non filtrée ? 

Chaque cas est différent mais la mode de l’huile non filtrée ces dernières années semble surtout reposer sur l’aspect « naturel » d’une huile trouble. Bref un argument purement marketing . De plus, un peu d’huile est retenue dans l’appareil de filtrage, ce qui constitue un manque à gagner pour les producteurs et productrices.

Tous les arguments à l’encontre du filtrage ne sont pas fallacieux pour autant. J’ai rencontré un producteur par exemple qui avait à coeur d’optimiser les qualités nutritionnelles de l’huile car il est vrai que certains anti-oxydants de l’huile voient leur teneur diminuer après filtrage. Enfin, certains « tout petits » producteurs n’ont, tout simplement, pas accès à des machines de filtrage. 
C’est décidé, on filtre. Mais comment ?

Nous utilisons une machine à plaques de cellulose, ce matériau qui compose le coton à 99%. Ici, il a une texture plus dense, plus caoutchouteuse. L’huile passe à travers et  y dépose les petites particules non désirées.

Comme on le voit ci-dessous, l’huile non filtrée y entre par la droite et ressort translucide par la gauche. 

Machine à filtre similaire à celle utilisée par Manolis. La photo est empruntée au magazine Jus d’olive, qui avait consacré un super article à la question du filtrage en juin 2019. 

Attention, le filtrage est loin d’être le facteur principal qui détermine la qualité d’une huile. La variété des oliviers, leur âge, la quantité d’eau qu’on leur aura donnée ou le moment choisi pour récolter ont, par exemple, une influence bien supérieure sur la qualité des arômes. Mais j’aime à penser que ce sont les petits questionnements qui font les grandes huiles !

Prises dans nos filets

La récolte 2020 fut à l’image de l’année 2020 : pénible et semblant ne jamais s’achever. À cause de la fermeture des frontières liée à la pandémie, les ouvrier.e.s agricoles originaires de Bulgarie et d’Albanie ont été dans l’impossibilité de venir porter main forte aux familles grecques. Or récolter avec moins de bras, c’est récolter plus longtemps. Des semaines, parfois des mois supplémentaires. Et à la fatigue s’ajoute l’inquiétude car avec la majorité des restaurants du monde fermés, les débouchés pour les exportations se raréfient risquant d’entraîner une dégringolade des prix. Pas les nôtres bien entendu, et c’est notre fierté : je ne négocie jamais les prix aux producteurs, bonnes et mauvaise années, Adravasti répond présente !

Aujourd’hui, je m’attarde sur l’accessoire essentiel de toute récolte : le filet. 

Commençons par le commencement, c’est à dire la fin. Oui, la fin de la récolte précédente. Sales et graisseux d’avoir accueilli des milliers d’olives, les filets doivent d’abord être lavés. Mais pour des filets de plusieurs dizaines de mètres de long, pesant une vingtaine de kilos, pas question de les passer dans votre petite machine à laver domestique. Ils sont confiés à des professionnels ! À Zakros, c’est le garagiste-mécanicien qui en a fait sa spécialité. Une fois propres, il faut les rafistoler. Abimés par des terrains rocheux et des ronces En tous genres, les filets finissent souvent pleins de trous à la fin de la saison. Or un trou, c’est le risque de voir des olives s’échapper. Alors les γιαγιάδες* se munissent de grosses aiguilles et patiemment raccommodent les filets.  En voici un bel exemple :

Une fois propres et soigneusement réparés, le temps est venu de les salir, de les trouer et de les déposer aux pieds de nos oliviers. La pose des filets, laissée à la discrétion des femmes, est un travail cérébral et physique à la fois. Il faut les agencer dans le sens de la récolte pour que les perchistes puissent passer d’arbre en arbre sans avoir à attendre, ne pas se tromper quand on les superpose, prendre en compte le vent qui vient les soulever ainsi que le terrain, les tirer derrière soi pour les déplacer au rythme des olives qui tombent… te tout sans laisser s’échapper une seule olive ! Pour ne rien sacrifier au tronc, on l’entoure de sacs en toile de jute ou on en fait le tour avec le filet comme sur la photo ci-dessous. 

En Crète, il y a deux types de terrains. Les terrains plats, sans murets, cailloux ni ronces, offrant une distance régulière et optimale entre chaque arbre. Ils sont rares, très rares. Les autres sont en pente, rocailleux et couverts de buissons épineux. Dans ce cas, il faut redoubler de créativité pour poser les filets. On dit parfois des arbres poussant sur des terrains très pentus, particulièrement désagréables à récolter qu’il s’agit « d’oliviers turcs », en référence au fait qu’ils aient été plantés à la période ottomane**. Cela permet surtout aux récolteurs contrariés de rejeter la faute sur leur voisin-envahisseur. 

Une fois qu’il ne reste plus une olive sur les branches, on les rassemble dans les filets, en faisant attention à celles oubliées dans les plis. C’est le moment du tri. Il s’agit d’enlever un maximum de feuilles avant d’amener les olives au moulin. Plus encore que les feuilles, on enlève les branches et les cailloux qui risquent d’enrayer l’extracteur d’huile d’olive. Les jours de pluie, ce sont les escargots qui apparaissent par dizaines dans les filets. Et même si les Crétois.e.s sont, comme nous, très friands de ces mollusques à coquille, ils n’ont rien à faire ici, vous en conviendrez. 

Une fois le filet vidé, il est temps de l’installer au pied d’un autre olivier qui attend d’être récolté. Un roulement bien huilé !

* mamie en grec, se prononce “yaya”
** Les Ottomans ont envahis la Crète entre 1646 à 1898 

Un Noël crétois

Cette année, offrez un olivier avec le code promo NOELCRETOIS. Premier avantage, le transport par Colissimo de La Poste est offert. C’est aussi cadeau que vous vous faites à vous même car vous n’aurez littéralement RIEN à faire ni à porter puisque je vous enverrai une carte personnalisée par la Poste, chez vous, que vous pourrez offrir le soir de Noël (ou le 25 au matin). 

Pas besoin de vous faire un dessin ? Dans le doute…

À feu et à sang

Février 1821, la Guerre d’Indépendance grecque éclate au Nord du Péloponnèse. Bientôt, la Grèce toute entière s’embrase pour se libérer, enfin, du joug Ottoman qui  dure depuis près de quatre siècles. Au printemps 1822, pour faire face aux insurgés et leur géographie rebelle, l’Empire Ottoman fait appel à son vassal, l’Egypte, et son armée dirigée par Mehemet Ali. Celui-ci commence par s’attaquer à la Crète, entrée en résistance tôt mais après de deux ans de lutte, les rebelles sont submergés par la puissance militaire égyptienne. Plus de 600 Crétois, dont le chef Dimitris Kourmoulis se réfugient alors sur l’île voisine, Kassos.

Il est temps de mettre en pause ce récit un instant pour vous familiariser avec cette île du Dodécanèse qui se trouve très exactement à 62 kilomètres à vol d’oiseau de notre fameux village d’Adravasti. Ne vous laissez par tromper par sa petite taille ou par l’absence presque totale de ressources naturelles sur l’île : en 1824, du haut de ses 7 000 habitants, Kassos est un des bastion de résistance les plus puissants de Grèce. Sa force lui vient de la mer et de ses marins qui contrôlent le détroit qui sépare l’île de la Crète, passage obligé entre la mer Egée et la mer de Libye. Ces derniers se sont illustrés à plusieurs reprises depuis le début de la guerre d’indépendance en parvenant à couler des navires ennemis ou en bloquants des navires commerciaux anglais qui prenaient la direction de l’Empire Ottoman. 

Revenons à l’Egyptien Mehemet Ali qui, après ses victoires en Crète, met le cap sur Kassos. Le 14 mai 1824, ses 8 navires jettent l’encre face au port d’Agia Marina. Le 27 mai, c’est au tour du commandant Ismael Gibraltar, accompagné de ses 25 navires de guerre et de ses 4 000 soldats, de prendre position. Début juin, au total ce sont 45 navires égyptiens qui encerclent l’île. Privés de leur force maritime, les rebelles Kassiotes ne résistent pas longtemps face à la puissance ottomane.

Certains habitant.e.s parviennent à fuir vers Karpathos et d’autres îles des Cyclades et d’autres se réfugient, un temps, dans des grottes* ou dans les montagnes pour poursuivre la résistance. Mais le 7 juin 1824, les hommes de Mehemet Ali débarquent. C’est le jour de la « Catastrophe » (Καταστροφή). Les Kassiotes s’y réfèrent aussi en utilisant le terme « Holocauste » (Ολοκαύτωμα, du grec ὅλος, entier et καύστος, brûlé). Plusieurs milliers de combattants grecs sont exécutés, les femmes et les enfants sont capturé.e.s puis vendu.e.s sur des marchés aux esclaves et l’île est entièrement brûlée.

* dont voici un exemple  ↑

Aujourd’hui encore, Kassos porte les stigmates de ce massacre. Peuplée d’un millier de personnes, elle n’a jamais retrouvé un développement humain et commercial comparable à celui précédent sa destruction en 1824. À travers ses paysages arides, on devine la trace du feu dévastateur et on comprend que c’est la vie tout entière que Mehemet Ali et ses soldats ont détruit ce jour là.

Je remercie au passage mon amie Théodora, dont la famille est originaire de l’île, qui m’a inspiré cet article et fourni les photos.

Ce soir on vous met le feu

Connaissez-vous le raki, aussi appelé Tsipouro dans le Péloponnèse ? Si cet alcool de raisin que l’on distille dans l’alambic du village tous les ans au mois d’octobre n’est pas d’une grande finesse organoleptique, il est néanmoins une composante essentielle de la culture crétoise. 

Trois semaines après la fin des vendanges et quelques semaines avant le début de la récolte des oliviers, un creux de calendrier donne aux Crétois.e.s l’occasion de décompresser un peu. C’est le temps du Kazani, la tradition la plus alcoolisée de tous les temps. Pour vous donner un ordre d’idée, je dirais que la fête de la bière à Munich est au Kazani ce que ce que Disneyland est au Hellfest. Un soir d’octobre, on rassemble tout le village et on commence la distillation. Pour cela, il faudra du raisin que l’on a laissé fermenter trois semaines et… des grignons d’olive.

Oui mais les grignons d’olive, c’est quoi au juste ?

Les grignons sont les déchets produits par l’extraction de l’huile d’olive. Une fois que nos jolies olives ont été écrasées, malaxées et pressées dans un extracteur à froid, il reste une pâte encore huileuse composée de restes de noyaux et de fibres d’olive. Cette pâte est envoyée dans une usine d’huile lampante, l’huile raffinée utilisée pour la combustion ou pour les voitures. Elle passe alors à nouveau dans un extracteur dont la température monte, cette fois, à plus de cent degrés. Ce qu’il reste quand toute l’huile, ou presque, a été extraite s’appelle les grignons d’olive. Et comme tout se transforme et rien ne se perd dans l’olivier, ils sont utilisés comme combustibles

Vous l’avez compris, ce sont ces grignons qui viennent alimenter le feu de notre kazani. Les voici sur la photo de gauche ci-dessous et leur aboutissement quelques minutes plus tard sur celle de droite :

Pour survivre à cette soirée, il suffit de suivre une règle : ne jamais boire le raki chaud tout juste distillé. Bien entendu, ni moi ni aucune personne de ma famille ne sommes tombé.e.s dans ce piège. La photo ci-dessous a été prise UNIQUEMENT dans un intérêt de documentation.

Arroser ou ne pas arroser, telle est la question 

Une amie productrice d’huile d’olive au Sud de l’Andalousie remarquait après des vacances en Crète l’omniprésence des tuyaux d’arrosages aux pieds de nos oliviers – quand ce n’est pas à leur sommet comme sur la photo si dessous ! Je m’étonnais de ce constat car, n’ayant la Crète comme unique référence oléicole, j’avais pris pour acquis l’habitude d’installer ces gros tuyaux noirs pas très harmonieux. Un champs sans tuyaux, donc sans eau, était dans mon esprit un champs non entretenu, dont on ne pouvait espérer obtenir une récolte. Quelle n’était pas ma surprise de m’apercevoir que dans le monde méditerranéen de l’olive, en Espagne, en Tunisie ou même Grèce continentale, tous et toutes ne partagent pas la passion des Crétois.e.s pour l’arrosage. 

Sur le sujet, dans la région, plusieurs thèses s’affrontent (et encore, je ne vous présente que celles venant de personnes raisonnables !) : 

La première soutient que les oliviers ont depuis des millénaires nourris de leurs fruits les hommes et les femmes, sans avoir besoin d’ajouter de l’eau. Il faut donc les déshabituer et tout ira bien.

La seconde affirme que terroir crétois et la variété koroneiki, sans même parler du réchauffement climatique, ne permettent pas de priver purement et simplement les arbres d’eau. Un olivier habitué à recevoir de l’eau dès les premiers mois de sa vie ne fournira pas l’effort nécessaire pour s’enraciner profondément et pouvoir puiser l’eau des nappes les plus souterraines. Il n’aura donc aucune chance de prospérer si on ne lui ouvre pas les vannes de temps en temps. 

Mais ce qui est bien avec l’agriculture, c’est que c’est l’art du réel. Alors les théories, c’est super mais que fait-on en pratique ?!

La plupart des producteurs en bio, soucieux de l’environnement, dont Manolis qui produit l’huile dont vous vous délectez, décident de continuer à arroser, mais le moins possible. En fonction de la pluviométrie, les arbres sont irrigués quelques fois au printemps et plus du tout à partir du mois d’aout. Et des années exceptionnellement pluvieuses comme 2019 nous ont même permis de nous contenter de l’eau dont la nature nous a fait don. 

Cette gestion très précautionneuse de cette ressource vitale, même quand cela signifie obtenir moins d’olives et moins d’huile, est cruciale dans cette région de l’Est de la Crète où la sécheresse menace constamment. Ne plus arroser dès que le fruit se forme au cours de l’été, permet aussi de ne pas gorger les olives d’eau, ce qui risquerait de diluer les arômes. Une fois de plus, la nature et nos papilles ont trouvé un compromis plutôt satisfaisant !

Cinquante nuances de tzatziki

Si on ne peut affirmer que le tzatziki (τζατζίκι) est le mezze le plus commandé dans les tavernes en Grèce, il est certainement le plus connu en dehors des frontières grecques.

Ce succès international est encore plus impressionnant quand on s’aperçoit que l’on retrouve des variations de cette recette à base de yaourt un peu partout au Moyen et Proche Orient. Sous les noms de djadjik en Turquie ou labné au Liban, chaque pays de l’ancien Empire Ottoman semble avoir conservé une version locale du tzatziki. En suivant les frontières de l’Empire Ottoman, on peut cartographier cette incroyable intégration culturelle à travers la gastronomie.

J’ai regroupé pour vous ces cinquante nuances de tzatziki, avec leurs dénominations locales, sur la carte ci-dessous :

Vue de la France, la Grèce est européenne. Son influence sur notre régime politique ou sur le vocabulaire médical (entre autres !) crée une grande familiarité entre nous autres occidentaux et le peuple grec. Mais en s’attardant sur sa gastronomie, c’est son ancrage oriental qui saute aux yeux. Les pays de l’ex-Empire Ottoman – que nous appellerons entre nous la “communauté de la baklava” – continuent de partager un grand nombre de références culinaires : le tzatziki ou les baklava, déjà cités, mais aussi les souvlaki (brochettes de viande) ou encore les alcools comme le raki. Une proximité gustative qui n’empêche pas les conflits, on l’aura compris…

La recette :

Râpez le demi-concombre avec une grosse râpe, salez-le et faites-le dégorger pendant une heure. Vous pouvez aussi accélérer le processus en appuyant avec le dos d’une cuillère sur votre concombre râpé, personne ne vous en voudra. Mélangez-le avec le yaourt, puis, dans un mortier, écrasez l’ail avec du sel pour obtenir une pâte que vous ajouterez au mélange de yaourt. Il vous suffit alors d’ajouter la menthe, l’aneth et l’huile d’olive avant de déguster bien frais. 

Mais au fait, comment on s’est retrouvé.e.s à parler de tzatziki ?!

J’y venais ! 

Toute la semaine, je m’associe au restaurant Barak qui propose une recette de tzatziki maison à l’huile d’olive d’Adravasti pour agrémenter ses salades et sandwichs. Barak s’inspire de la cuisine de la Méditerranée pour proposer des plats colorés conçus pour une pause déjeuner rapide et pour l’occasion, nous avons réalisé une interview où je vous parle… d’huile d’olive, sans surprise. Vous pouvez vous abonner à mon compte Instagram ou à celui de Barak, nous posterons l’interview au fur et à mesure cette semaine. 



Un champ labouré et un double coup de foudre 

Vous avez rencontré votre âme-soeur à un mariage ? Vous n’êtes pas seul.e, c’est justement ce qui est arrivé à Demeter !

Détail de Eiréné portant Ploutos

Alors que tout l’Olympe se réunit en Crète pour les noces d’Harmonie et Cadmos, la déesse repère Iasion, fils de Zeus et d’Électre et accessoirement frère de la mariée. Sans plus attendre, elle lui promet « son amour et son lit »* et enivré.e.s par un nectar millésimé, les deux amoureux partent s’unir dans un champ labouré trois fois. À leur retour, Zeus aperçoit les traces de boues sur le bras du héros et comprend ce qu’il vient de se passer. Pour le punir d’avoir oser s’unir à une déesse, il le frappe de sa foudre. De cette union tragique nait Ploutos, dieu de la richesse, souvent représenté sous les traits d’un enfant accompagné d’une corne d’abondance**. Ce jeune dieu donne alors raison à la méfiance de Zeus : à travers l’agriculture, sans discrimination, il distribue la richesse aux divinités comme aux hommes. Mais le pauvre, comment lui en vouloir ? Il est né aveugle !

Statue de Demeter au British Museum

Il est assez ironique que Demeter ait enfanté le dieu de la richesse, elle qui se désintéresse de tout ce qui passionne les Dieux comme les Hommes, à savoir le pouvoir et l’amour. Elle ne fait d’ailleurs pas partie des douze Dieux de l’Olympe car plutôt que se prélasser sur le Mont mythique, elle préfère la culture des champs. En fait, ce n’est qu’avec Aristophane que Ploutos porte en lui l’aspect le plus négatif de la richesse. Il reprend la tradition présentant Ploutos aveugle pour en faire le symbole de l’immoralité de l’argent, le jeune Dieu visitant indifféremment les bons comme les mauvais.

C’est un des seuls mythes qui met en scène Demeter amoureuse. Elle a vécu l’amour dans la passivité avec Zeus et la violence avec Poséidon. Dans ce mythe, l’acte d’amour avec un simple mortel, Iasion, est le fruit de sa décision. Il y a donc une double inversion. D’abord celle du choix qui revient à la femme. C’est aussi l’inversion du schéma classique de la Mythologie où un dieu s’unit à une mortelle. Ici l’immortelle est femme et le mortel est homme.***

Je terminerai en soulignant que la plupart des mythes fondateurs de Demeter se situent en Crète, comme celui-ci ou celui de l’enlèvement de Perséphone. Bon signe de produire de l’huile d’olive sous le patronage de la déesse de l’agriculture, vous ne trouvez pas ?

* dans la version d’Homère. Dans la Théogonie, Hésiode parle lui « d’amour charmant » (philotês) pour décrire leur union.
** et sans Rolex
*** Sylvie Vilatte, Déméter et l’institution matrimoniale : le refus du passage (RBPH, 1992) 


Les pieds sur terre, la tête dans les olives

Après le vent (article que vous pouvez retrouver par ici), je continue cette série sur les éléments. Au menu du jour : la terre. 

Le monde de la vigne nous a appris que chaque terroir influence à sa manière les arômes et la qualité de la production. Qu’en est-il de l’huile d’olive ? On pressent que chacune doit à la terre où poussent les oliviers. Creusons donc (littéralement) un petit peu pour en savoir plus…

Une chose est sûre, l’olivier est taillé pour la Méditerranée. Il aime les terrains secs et ne supporte pas les terrains humides dans lesquels l’eau circule trop lentement. Autrement dit, la Normandie, ce n’est pas pour tout de suite. Au contraire, il raffole des terrains pentus. On sait aussi qu’aux terres trop argileuses et asphyxiantes, il préfère les sols filtrant, caillouteux.  

Quand on se balade à l’Est de la Crète, ce qui frappe en premier, c’est la couleur de la terre : un rouge ocre dont la poussière colore les ruines des villages. Cette couleur s’explique par à un fort taux de fer dans la terre. La ferrite a une action très positive car elle retient les minéraux comme le calcium, le phosphore, le potassium ou encore le magnésium. 

Autour d’Adravasti, le sol peut être à dominante calcaire, schisteuse ou sablonneuse. Les montagnes de Crète, souvent très calcaires, sont rarement un bon terroir pour l’olivier, pour le plus grand plaisir des chèvres et moutons qui en ont fait leur terrain de jeu. En revanche, les plaines avec ses terrains schisteux sont de très bons « ladotopo », c’est à dire « terrains à huile ». On reconnait le schiste à l’aspect feuilleté de sa roche, qui prend un aspect « mille-feuille ». Vous trouverez un exemple photographique ci-dessous. Le schiste se forme avec la sédimentation d’argile, souvent en milieu marin. Très friables, les sols schisteux permettent aux oliviers d’enfoncer leurs racines profondément. Justement, de nombreux oléologues voient dans cette capacité à puiser loin dans le sol un élément central du développement d’arômes puissants. 

Comparativement à la vigne, l’analyse des sols et de leur impact sur les arômes est encore peu développé dans l’huile d’olive. Mais on sait que le pH de la terre est d’une grande importance et vient parfois contredire les ambitions d’implantation de variétés étrangères sur un territoire. La récente passion des Japonais.e.s pour l’huile d’olive nous a permis d’avancer dans ce domaine. Fidèles à leur réputation, ils et elles ont poussé l’art de la précision jusqu’à analyser des milliers d’endroits au Japon afin de retrouver celui qui correspond précisément au sol de domaines en Toscane où sont produites de prestigieuses huiles d’olive. L’expérience avait d’ailleurs déjà été menée avec la Romanée Conti. Vous trouvez que cette façon manque un peu de poésie ? C’est aussi mon avis, mais ça reste entre nous.

Merci à Pierre pour la photo, au président de la coopérative de Zakros, à Jeanne ainsi qu’à Brigitte et Bertrand pour m’avoir aidé à y voir plus clair dans ce sujet charbonneux.

Qui sème le vent, récolte…

Sous le vent

À l’Est de la Crète, le vent est partout. Il se lit dans la forme des oliviers, dont les branches semblent prendre leur élan. Il justifie les éoliennes gigantesques qui surplombent les crêtes de Karidi. Il donna l’idée à la championne française de planche à voile Nathalie Simon d’ouvrir un club à Palekastro, à quelques kilomètres, depuis repris par des Autrichiens forts sympathiques dont on se demande toujours comment leur est venue cette passion marine. 

En passant sur le plateau entre Azokeramos et Kelaria, on aperçoit un petit métochi, abri fidèle dont je vous ai glissé une photo ci-dessous. Mon oncle Kostas raconte qu’enfant, quand il arrivait pieds nus sur le plateau, il se mettait à courir à toutes jambes pour échapper aux bourrasques terrifiantes. Quand on le rencontre pour la première fois, on est ahuri.e par sa force. J’ai en mémoire l’image de ma petite soeur Juliette, âgée de trois ou quatre ans, qui, au sommet de la montagne de Skinia, se laissait tomber en arrière mais était miraculeusement portée par le vent venu de la mer. Et il n’est pas rare en effet au mois d’août, après quinze jours de rafales furieuses, d’assister à de véritables rixes entre les habitants pourtant paisibles d’Adravasti. Le vent rend fou aussi sûrement qu’il couche les arbres ou érode les paysages.

Mon père prétend même qu’Aristophane aurait écrit que tous les vents de la Crète passent par le chas de Zakros…


La plupart du temps, j’aime ce vent grec. Surtout le Meltemi, le vent du Nord, celui qui commence à souffler au mois d’août, qui rafraîchit l’air lourd de la Méditerranée. Mais depuis que je vends de l’huile d’olive, je le découvre menaçant. 

Cette année, notre ennemi fut le vent chaud du Sud. Après un hiver pluvieux, promesse d’une grande récolte, il s’est mis à souffler au début du printemps, semblant appelé par la floraison des oliviers et a mis par terre une bonne partie de nos jolies petites fleurs blanches. Pas de fleur, pas de fruit, c’est la dure loi des arbres fruitiers. Mais rassurez-vous, il en reste juste assez pour régalez toutes nos marraines et tous nos parrains d’oliviers l’année prochaine !

Un vent nommé Zéphir

Hyacinthe changé en fleur de Nicolas-René Jollain, peint en 1769*. Vous pouvez l’admirer au Petit Trianon, à Versailles. 

Zéphir est la personnification du vent d’Ouest dans la Mythologie. Si son souffle est redouté, c’est surtout pour ses amours déçues qu’il a inspiré Ovide et Euripide.

Comme vous le savez, les mythes que je préfère sont les mythes étiologiques, ceux qui cherchent à expliquer l’origine d’un phénomène naturel. Et vous l’avez deviné, ce cher Zéphir nous en fourni un très joli.

Un jour d’été, il tombe fou amoureux de Hyacinthe, jeune Sparte à la beauté captivante. Il tente de le séduire mais Apollon s’est lui aussi épris du jeune homme et obtient rapidement ses faveurs aux dépens de notre Dieu colérique. Rongé par la jalousie, Zéphir observe les deux amoureux s’entrainer au stade. Alors qu’Apollon s’élance un disque à la main, Zéphir détourne le vent afin de frapper le Dieu lumineux avec son propre disque. Mais c’est Hyacinthe qui s’effondre à terre, frappé accidentellement à la tempe. Terrassé de chagrin, alors que des gouttes de sang viennent tacher l’herbe du stade, Apollon les fait fleurir. En son honneur, les fleurs nées de ce jour tragique portent le nom de jacinthes.

*Année érotique, peu importe le siècle

Le point COVID-19 #2

Après une gestion parfaite de l’épidémie ces deux derniers mois, les Grec.que.s, qui comptent moins de 200 morts, se tournent désormais vers l’avenir et cherchent à sauver une saison touristique déjà très accidentée. Même si depuis le 4 mai, le déconfinement est en marche avec la réouverture de tous les commerces, tavernes et cafés, la situation mondiale inquiète. À raison puisque la tourisme représente 18% du PIB et emploie près d’un million de personnes.

Alors le chef de l’Etat prend les devants !

En direct à la télévision grecque, le premier ministre Kyriakos Mitsotakis, a annoncé mercredi 20 mai que la saison touristique démarrerait mi-juin avec la reprise des vols internationaux et la réouverture des hôtels. Fort de sa nouvelle légitimité, il est même allé jusqu’à déclarer « faisons de l’été l’épilogue de la crise du coronavirus ». Poussant l’emphase un peu plus loin, le PM a même qualifié la mission d’hospitalité de son pays « notre passion qui fut de tout temps inspiré par Xenios Zeus ». Plus prosaïque, il a aussi annoncé la baisse de la TVA sur les transports (dont aérien) de 24% à 13%. Pour gérer cet afflux venu de l’extérieur, le gouvernement grec mise tout sur une politique massive de tests. Les îles seront pourvues de tests en grandes quantités et des moyens de transport spécifiques pour les cas suspects seront mis en place pour pouvoir les transférer rapidement vers Athènes. S’il reste vague sur les clubs et autres boites de nuits (les habitués de Mykonos attendront), il assure que les plages ainsi que les tavernes seront ouvertes.

Dans un entretien réalisé le 25 mai avec le quotidien allemand Bild, Kyriakos Mitsotakis a aussi annoncé que la Grèce ouvrira ses frontières aux pays qui ont des données épidémiologiques similaires à celles de la Grèce (comprenez « ceux qui ont peu de cas et réalisent beaucoup de test »), rassurant ainsi les vacanciers allemands car l’Allemagne ferait partie des heureux élus. Et si cette analogie entre les deux pays vous fait sourire, c’est que vous avez bien suivi !

Et quid des Français ?

Le 23 mai, la Grèce annonçait que les liaisons aériennes restaient fermées avec l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, et les Pays-Bas jusqu’au 31 mai inclus. Laissant donc en dehors de ce pacte de pestiférés la France, sûrement plus en raison de ses nombreux touristes hellénophiles que par ses performances sanitaires. L’horizon de vos vacances grecques semble donc s’éclaircir de jour en jour. Air France a repris la liaison avec Athènes, à un rythme très calme, depuis le 23 mai et hallelujah à partir du 27 juin 2020, la compagnie rétablit la liaison également avec la Crète. Un vol par semaine reliera Heraklion et Paris. Attention néanmoins, jusqu’au 31 mai, on demande à tous les arrivants d’appliquer un auto-confinement de 14 jours.

Confiné.e.s dans l’huile – Épisode 10

Deuxième partie

Voici la partie II de notre grand reportage 100% consacré à une île complexe : Lesbos ! 

TEASER : Dans cette lettre, vous découvrirez l’origine du dicton “fuit la elle te suivra, suis la elle te fuira”

Une petite carte comme hors d’oeuvre pour se remettre les idées en place : 

Sappho le coup de la connaître*

La grande star de l’île est la poétesse Sappho qui y vit entre le VIIème et le VIème siècle avant JC. 

Citée par plus de cent auteurs anciens, elle exerça une influence capitale sur l’art antique mais c’est surtout à sa sexualité que Sappho doit sa notoriété. Dans ses poèmes, souvent dédiés à la Déesse Aphrodite, elle invoque ses amours et se met en scène avec d’autres femmes. La lecture de son oeuvre a connu de grandes variations d’interprétations au fil des siècles et des évolutions sociales et culturelles. Tantôt perverse, sulfureuse ou libératrice, notre regard en dit bien plus long sur nous que sur elle. Finalement, Sappho l’aristocrate se contentait de reproduire un comportement en toute conformité avec son milieu social : mariée, elle entretenait ouvertement des relations sensuelles avec des personnes du même sexe. N’est-ce pas la norme en Grèce Antique où la pédérastie s’érigeait comme un outil de formation des élites ? Pas tant que cela en fait car c’est le fait d’être une femme qui rend ses écrits tout à fait uniques.

Image promotionnelle du Met de New York montrant deux danseuses devant la statue de Sappho du sculpteur français Prosper d’Épinay (1895) que j’ai trouvé fort à propos.

Je ne pense pas trop m’avancer en disant qu’elle est à l’inventeure du fameux dicton « fuit la elle te suivra, suis la elle te fuira » fort usité par les apprentis amoureux dans les cours de lycée**. Voici la version originale, extraite de son Ode à Aphrodite (c’est la Déesse qui lui parle) : 

Quelle Persuasion veux-tu donc attirer vers ton amour ? Qui te traite injustement, Psappha ? Car celle qui te fuit promptement te poursuivra, celle qui refuse tes présents t’en offrira, celle qui ne t’aime pas t’aimera promptement et même malgré elle. 

Sappho ne se contente pas d’inspirer l’étymologie d’un mais de deux adjectifs de notre belle langue française : saphique, vous l’aurez deviné ainsi que lesbienne, dérivé de Lesbos, l’île où elle a vécu. « Lesbienne » est d’abord employé pour parler d’elle, dans le sens premier de « personne célèbre de Lesbos ». À partir du IXème siècle, l’adjectif est utilisé dans le sens de « homosexuelle », ce qui atteste , vous en conviendrez, de la puissance de son impact culturel. 

Revoici notre statue de Sappho du sculpteur français Prosper d’Épinay. Je vous propose de porter une attention toute particulière à la position des doigts de pieds, qui semble trahir la grande liberté du modèle.

Deux îles, un destin

Commençons par un rapide rappel historique avant de se plonger dans la période qui nous intéresse ici, celle qui marque l’avènement de la nation grecque au XIXème siècle. 

De 1453 à 1832, l’empire Ottoman domine la plus grande partie du territoire grec. Mais cette occupation est graduelle : certaines îles n’intègrent l’Empire que bien après la chute de Constantinople de 1453. C’est le cas de la Crète qui reste sous domination vénitienne jusqu’à la moitié du XVIIème siècle. Lesbos, elle, est attaquée par les turcs dès 1455 mais l’attaque est repoussée. Deuxième tentative en 1462 quand les troupes de Mohammed II assiègent l’île qui finit par tomber au bout de 14 jours de combats. À leur arrivée sur l’île, les Ottomans massacrent une grande partie de la population et confient à Smyrne le contrôle de l’île. 

Les frontières grecques de 1832 à aujourd’hui. 

En 1821, quand éclate la guerre d’indépendance grecque, les deux îles sont donc sous contrôle ottoman. Sur un territoire aussi morcelé, difficile de mener une guerre avec un front uni. Pourtant cette division géographique fait la force des insurgés car le soulèvement se propage très rapidement aux îles, notamment de la mer Égée, ajoutant une dimension navale à un conflit terrestre. Les armateurs issus de la bourgeoisie transforment leurs navires commerciaux en navire de guerre et grâce à eux, la majorité des îles prennent rapidement part au conflit. Lesbos est envahie par l’armée indépendante grecque en juin 1821 grâce à une rébellion locale qui fait tomber les positions turques, soit moins de trois mois après le début de la révolte. Parallèlement en Crète, la rébellion éclate fin juin 1821. Ce soulèvement est écrasé dans le sang par les troupes égyptiennes de Mehemet Ali, vassal du sultan Turc.

Carte réalisée par l’armée grecque en 1999

Pourtant, le traité de Constantinople de 1832 qui marque la fin de la guerre d’indépendance et la naissance de la nation grecque ne concerne pas tout le territoire insurgé. La Crète et Lesbos, comme de nombreuses autres régions pourtant entrée tôt en rébellion, en sont exclues. Car ce traité n’est pas un accord entre la future nation grecque et l’Emipre Ottoman : se sont les grandes puissances européennes (Royaume-Uni, France et Russie) qui siègent à la table des négociations à la place de la Grèce face à l’empire Ottoman. Et les intérêts commerciaux et diplomatiques des puissances occidentales ne sont pas oubliés ! Craignant une déstabilisation des routes commerciales, le Royaume-Uni refuse que les îles situées aux endroits les plus stratégiques, Lesbos et la Crète en premier lieu, fassent partie de ce nouvel État dont la loyauté est encore à prouver. 

Les deux îles redeviennent grecques seulement en 1913, soit 81 ans (quatre générations !) après l’indépendance grecque. Comme on le constate sur la carte, c’est le dicton « loin des yeux (ici traduisible par Péloponnèse), loin du coeur » qui semble prévaloir… Cette attente est difficile à comprendre quand on connait le très fort sentiment d’appartenance des habitants des deux îles à la Nation grecque. La fête de l’indépendance qui commémore le 25 mars 1821 y est d’ailleurs largement célébré. Comme quoi, aux îles bien nées, le patriotisme n’attend point le nombre des années*.

Carte qui célèbre l’arrivée des nouveaux territoires dans la “nouvelle Grèce” (Η νέα Ελλας) de 1912. On y aperçoit la Crète tout en haut et Lesbos à gauche (vous ne comprenez rien à cette carte ? Essayez de retourner votre ordιnateur, téléphone intelligent ou tablette et tout fera sens de nouveau).

*Emprunt honteux à Corneille, mais il me fallait bien une conclusion un peu chic 

Confiné.e.s dans l’huile – Épisode 10

Première partie

Alors que je m’intéresse le plus souvent à l’île la plus méridionale de Grèce, la Crète, c’est une autre île qui aura toute notre attention aujourd’hui : Lesbos

Bientôt, vous saurez tout de l’implication de Lesbos dans la Guerre de Troie puis nous ferons un sacré bond temporel pour terminer avec son actualité.

Commençons par une petite mise à jour géographique avec quelques lieux essentiels :

Penthésilée l’amazone

C’est dans l’Iliade que l’île apparait pour la première fois dans les récits mythologiques*. Située juste au Sud de la puissante Troie en Asie Mineure, Lesbos abrite Penthésilée (Πενθεσιλεια), fille d’Arès et d’Otrèré, première reine des Amazones.

Guerrière redoutable, inventeure de la hache de guerre, elle décide de participer à la Guerre de Troie à la mort d’Hector pour venir en aide au roi Priam. Elle se bat aux côtés des Grecs lors de nombreuses batailles mais après une lutte épique qui deviendra un sujet classique de l’art Antique, Achille la blesse mortellement au sein droit. Arrive la séquence émotion de notre récit : Alors qu’il vient d’achever sa fière adversaire, il tombe amoureux d’elle, dévoilant l’autre facette de la personnalité complexe du héros : celle non plus d’un guerrier en colère mais d’un homme sensible. Je laisse le poète Théodore de Banville vous raconter la scène : 

Quand son âme se fut tristement exhalée
Par la blessure ouverte, et quand Penthésilée,
Une dernière fois se tournant vers les cieux,
Eut fermé pour jamais ses yeux audacieux,
Des guerriers, soutenant son front pâle et tranquille,
L’apportèrent alors sous les tentes d’Achille.
On détacha son casque au panache mouvant
Qui tout à l’heure encor frissonnait sous le vent,
Et puis on dénoua la cuirasse et l’armure,
Et, comme on voit le cœur d’une grenade mûre,
La blessure apparut, dans la blanche pâleur
De son sein délicat et fier comme une fleur.
La haine et la fureur crispaient encor sa bouche,
Et sur ses bras hardis, comme un fleuve farouche
Se précipite avec d’indomptables élans,
Tombaient ses noirs cheveux, hérissés et sanglants.
Le divin meurtrier regarda sa victime.
Et, tout à coup sentant dans son cœur magnanime

Une douleur amère, il admira longtemps
Cette guerrière morte aux beaux cheveux flottants
Dont nul époux n’avait mérité les caresses,
Et sa beauté pareille à celle des Déesses.
Puis il pleura. Longtemps, au bruit de ses sanglots,
Ses larmes de ses yeux brûlants en larges flots
Ruisselèrent, et, comme un lys pur qui frissonne,
Il baignait de ses pleurs le front de l’amazone.
Tous ceux qui sur leurs nefs, jeunes et pleins de jours,
Pour abattre Ilios environné de tours
L’avaient accompagné, fendant la mer stérile,
Frémissaient dans leurs cœurs, à voir pleurer Achille.
Mais seul Thersite, louche et boiteux et tortu
Et chauve, et n’ayant plus sur son crâne pointu
Que des cheveux épars comme des herbes folles,
Outragea le héros par ces dures paroles :
Cette femme a tué les meilleurs de nos chefs,
Dit-il, puis les ayant chassés jusqu’à leurs nefs,
Envoya chez Aidès, les perçant de ses flèches,
Des Achéens nombreux comme des feuilles sèches
Que le vent enveloppe en son tourbillon fou ;
Toi cependant, chacun le voit, cœur lâche et mou,
Qui te plains et gémis comme le cerf qui brame,
Tu pleures cette femme avec des pleurs de femme !
À ces mots, regardant le railleur insensé,
Achille s’éveilla, comme un lion blessé
Sur le sable sanglant qu’un vent brûlant balaie,
Dont un insecte affreux vient tourmenter la plaie,

Et, voyant près de lui ce bouffon sans vertu,
Il le frappa du poing sur son crâne pointu.
Thersite expira. Car le poing fermé d’Achille
Avait fait cent morceaux de son crâne débile,
De même que l’argile informe cuite au four
Est fracassée avec un grand bruit à l’entour,
Alors que le potier, justement pris de rage
Et fâché d’avoir mal réussi son ouvrage,
En se ruant dessus brise un vase tout neuf.
Il tomba lourdement, assommé comme un bœuf,
Et, regardant encor la guerrière sans armes,
Achille aux pieds légers versait toujours des larmes.

Détail de sarcophage représentant nos deux guerrier.e.s, 180 après JC. Retrouvé à Thessalonique, vous pouvez tout naturellement l’admirer aujourd’hui… au Louvre. 

Le plus grand retournement scénaristique depuis Usual Suspect

Octobre 2016 : Les habitant.e.s de Lesbos auront-ils le prix Nobel de la paix ? 


Janvier 2020 : Lesbos est-elle la honte de l’Europe ?

L’arrivée massive de migrant.e.s Afghans, Syriens et Irakiens venu.e.s chercher l’asile en Union Européenne depuis 2015 a radicalement transformée l’île qui se situe à moins de 15 kilomètres des côtes turques. L’UE avec la complicité du gouvernement grec a cherché, et a réussi à trouver, les limites de la générosité. 

Tout avait pourtant bien commencé. En novembre 2015, un groupe d’universitaires lance même une pétition signée par près de 700 000 personnes pour que les habitant.e.s de l’île reçoivent le prix Nobel de la paix. Sauvetages de bateaux par les pêcheurs, distribution de nourriture, hébergement dans les familles… les initiatives sont nombreuses et la solidarité est belle. Seulement, avec jusqu’à 10 000 arrivées par jour et pris dans un tourbillon sans fin d’arrivées et de retours (car certains migrant.e.s ayant réussis à rejoindre Athènes sont renvoyé.e.s à Lesbos), les locaux voient la situation leur échapper. Le désespoir s’installe alors que l’UE reste silencieuse. 

«Θέλουμε πίσω τα νησιά μας, θέλουμε πίσω τη ζωή μας» (Nous voulons retrouver notre île, nous voulons retrouver nos vies) ont crié les habitant.e.s de Lesbos à Mytilène fin janvier 2020. Ce cri de colère qui sent fort le repli identitaire est difficile à entendre. Plus encore, les attaques des migrants « briseurs de quarantaines » ou d’ONG par des locaux aux idées fascisantes sont les signaux gravissimes d’une situation intenable. Actuellement, plus de 18 000 migrants sont entassés dans le camp de Moria, conçu pour accueillir 3 000 personnes. Entre 2015 et 2018, le tourisme, principale source de revenus de l’île a diminué de 75%. Aujourd’hui, la population locale, qui craint que la sur-population du camp de Moria, encourage la propagation du virus, se sent plus isolée que jamais. Il n’y a désormais plus que des victimes sur cette île au passé illustre et aux multiples savoir-faire*. 

Un peu d’espoir pour finir ? L’Allemagne et le Luxembourg ont commencé à accueillir de (tout) petits groupes de migrant.e.s isolés dans les îles grecques, principalement des enfants. Dix des 27 pays de l’UE ont promis leur aide. Le 25 avril, 11 000 migrants « vulnérables » ont été transférés des camps se situant dans les îles grecques vers le continent afin de limiter le risque sanitaire. 

*l’ouzo de la ville de Plomari est très réputé ainsi que son huile d’olive. 

Confiné.e.s dans l’huile – Épisode 9

Peut on imaginer TF1 sans Nikos Aliagas ? Nous sommes d’accord, cela n’aurait aucun sens. Dans cet épisode 9, je vous explique pourquoi un monde sans Grec.que.s n’en aurait pas non plus.

Avec cinq millions de Grec.que.s hors des frontières nationales, soit la moitié de sa population, la Grèce est un grand, très grand pays d’émigration. Deux précisions avant de vous épater avec quelques histoires à vous faire danser le sirtaki.
New York, Boston, Chicago, Melbourne, Toronto, Londres et Los Angeles sont les principales villes d’accueil de la diaspora grecque. 

Symbole de la hype grecque et plaisir des yeux, Stefanos Tsitsipras

1. Les frontières n’ont rien à faire dans cette affaire

La nationalité hellénique se transmet par filiation, que vous soyez sur le sol grec ou pas. C’est très simple : Est Grecque toute personne dont l’un des parents au moins est Grec au moment de sa naissance. Grec.que.s de Smyrne, Grec.que.s d’Amérique ou Chypriotes grec.que.s, tous font donc partie de la famille. 

2. Une identité qui va au delà du passeport « ελληνικό » 

La langue, la musique, la danse et la nourriture bien entendu sont des marqueurs très forts qui unissent les Grec.que.s du monde entier. Rien à voir avec une simple question administrative. Reboosté par la victoire surprise de la Grèce à l’Euro 2004 et par la tenue des JO à Athènes la même année, le patriotisme grec a connu un retour de flamme au début du XXIème siècle. La crise économique, qui a obligé près de 500 000 jeunes Grec.que.s à quitter le pays a réactualisé ce lien.

Aujourd’hui, alors que la Grèce vit un moment de fierté grâce à une gestion de la crise sanitaire exemplaire, la diaspora s’en donne à coeur joie pour laisser éclater, non sans ironie, un chauvinisme plutôt bruyant. Bref, être Grec.que n’a jamais été aussi cool.

Aujourd’hui, mieux encore qu’une virée rue de la Huchette à Paris, on discute diaspora grecque du New Jersey à Melbourne, en passant par Paris ! 

Start-up nation

Comme toutes les histoires de migrants, celle-ci commence avec le travail. Si l’immigration grecque du XIXème et début XXème, majoritairement masculine, est d’abord venue prêter main forte aux jeunes industries américaines et australiennes, très vite les Grec.que.s ont fait preuve de trésors d’inventivité pour gagner leur place au soleil. 

Les Milk bar de Melbourne

Une famille Grecque qui vend des milkshakes au Sud de Melbourne, cela vous semble curieux ? C’est pourtant l’histoire des milliers de Milk bars qui ont fait la fortune des Grec.que.s d’Australie dans les années 1960 !

Ce n’est qu’après la Seconde Guerre Mondiale que les Grec.que.s arrivent massivement en Australie grâce à l’accord de 1952 qui facilite leur arrivée. Si certain.e.s viennent directement de Grèce, d’autres ont fait escale dans une autre grande terre d’accueil : les États-Unis d’Amérique. Un tour du monde fructueux car c’est l’origine de l’idée de génie qui va leur permettre de faire oublier leur accent. Plutôt que de servir des souvlaki et de la moussaka, toute la famille est sur le pont pour vendre crèmes glacées, milkshakes, hamburgers, sodas et cigarettes. Et comme décors, on s’approprie le glamour d’Hollywood avec des intérieurs art deco, de grands miroirs et des comptoirs chromés. Ouverts 7/7 et jusque tard le soir, les Milk bars sont des lieux accueillant toutes les bourses où le service est rapide et chaleureux. 

Référence : Greek Cafes & Milk Bars of Australia, de Effy Alexakis et Leonard Janiszewski

Les diner americains

Des colonnades, une statue bien kitch style greco-romain à l’entrée et un nom, comme Olympia cafe ou Odyssey diner, aux accents helléniques ? Autant d’indices que vous êtes devant un diner (on prononce “dayneur”) américain fondé par nul autre qu’un ou une Grec.que ! 

La grande vague d’immigration des années 1950 coïncide avec le développement des diner aux États-Unis, ces restaurants en service continu où l’on peut commander des pancakes en plein après-midi et se faire resservir du café toutes les dix minutes. Ce sont dans ces restaurants que les premiers arrivants grecs vont trouver du travail, plutôt à la plonge qu’à la caisse d’ailleurs. Mais peu à peu, les opportunités se présentent car l’immigration grecque possède justement toutes les qualités pour faire tourner ces établissements. La culture du restaurant familial coule dans leurs veines ! Loin des chaînes où le profit de chaque plat est maximisé, ils et elles savent qu’un restaurant tourne grâce aux habitué.e.s. C’est ce qui fera le succès des milliers de diners « grecs ». 

Les gyros… partout

Pourquoi faire compliqué quand on connait la recette ? Emprunté aux frères-ennemis Turcs qui l’ont rendue célèbre à Berlin au début des années 1970, la broche qui tourne demeure la porte d’entrée pour tous les restos grecs du monde aujourd’hui.

Une pensée à mon cousin Alexis avec qui, à l’âge de 13 ans, nous mangions, tous les soirs, deux gyros chacun,  απ’ολα (pour moi) et χωρις τζατζικι (pour lui) pendant de longues vacances de février à Sitia.

Le quatre à la suite : Grecque ou pas grec ?

À cause de leurs patronymes souvent très identifiables pour ne pas dire encombrant*, une ascendance grecque n’est pas facile à camoufler. Cependant, les Grec.que.s de la diaspora, 1ère, 2ème ou 3ème génération se cachent partout, jusque dans les plus hautes sphères.

Serez-vous reconnaître ces vedettes qui ont fait la gloire de la communauté hellénique d’ici et d’ailleurs ?

#1

Fille de l’acteur Crétois John Anastassakis et de l’actrice Nancy Dow, je passe un an en Grèce avant mes 6 ans. J’enchaîne les petits rôles pour la télévision au début des années 90 avant de connaître le succès avec une série désormais cultissime de NBC. J’y joue le rôle d’une serveuse devenue executive women chez Ralf Lauren, mon histoire d’amour tumultueuse avec Rossmarquera éternellement les coeurs. Après Friends, je joue dans de nombreuses comédies sur grand écran. Je suis, je suis… 
 

#2

Ma mère, une Grecque de Sparte, épouse mon père, immigré de la deuxième génération dans les années 1960 et je nais à Washington en 1971. A l’âge de 7 ans, ma famille déménage en Californie ce qui me permettra de profiter du temps clément pour passer tout mon temps sur les courts, une raquette à la main. Je mets un terme à ma carrière sportive en 2002, en battant Angré Agassi en finale de l’US Open. Légende du tennis, j’ai gagné quatorze Grands Chelem dont sept Wimbledon. Surnommé « Pistol Pete », je suis, je suis…

#3

C’est ma mère Litsa, qui me pousse vers la musique et c’est elle qui me contraint à chanter durant toute mon enfance, voulant faire de moi une enfant star.  En 1937, à l’âge de quatorze ans, je quitte les États-Unis pour rentrer en Grèce. Je passe deux ans au conservatoire national d’Athènes où je découvre tout le potentiel de ma voix de soprano. La suite appartient à la légende… Je chante La Gioconda de Ponchielli aux arènes de Vérone en 1947 puis à la Scala de Milan et très vite dans toutes les plus grandes salles de spectacle du monde. Je suis la cantatrice la plus célèbre du XXème siècle, je suis, je suis…
 

#4
 

Né en Anatolie au début du XXème siècle, ma famille immigre aux États-Unis en 1913. Nous nous installons dans un premier temps dans le quartier grec de Harlem où mon père, Yorgos Kazantzoglou, devient marchand de tapis. Je raconte mon enfance et mon rêve américain dans mon autobiographie America America que j’adapte aussi au cinéma. Je réalise de nombreux films à partir des années 1940 dont Un tramway nommé Désir avec Marlon Brando et à L’est de l’Eden avec James Dean. Stanley Kubrick a dit de moi que je suis « sans aucun doute, le plus grand réalisateur que nous ayons aux Etats-Unis », je suis, je suis… 

#5

Je suis née en Crète à Chania en 1934 et dès l’âge de 6 ans, mon timbre de voix unique est remarqué. Je m’installe à Paris en 1960 et je représente le Luxembourg au concours de l’Eurovision en 1963 avec la chanson À force de prier. Avec mon ami Michel Legrand, j’enregistre la bande originale du film Les parapluies de Cherbourg. L’album Le Jour où la colombe de 1967 fait de moi une star en France et mon plus grand succès est probablement Je chante avec toi Liberté. Reconnaissable entre mille grâce à mes grandes lunettes noires**, je suis, je suis…

 

#6

Grec d’adoption, je compense mon absence de sang grec par mon engagement fidèle à la culture hellène ainsi qu’à l’église orthodoxe. Je m’y marie en 1988 avec l’actrice d’origine grecque Rita Wilson et je passe, depuis, toutes mes vacances sur l’île d’Antiparos. Le président Grec Pavlòpoulos fait de moi un citoyen d’honneur en décembre 2019. On me surnomme « the nicest guy in Hollywood » et je cumule à moi seul plus de 9 milliards de dollars de box office avec mes 45 films. Deux fois oscarisé grâce à mes performances dans Philadelphia et Forrest Gump. Je suis, je suis… 

*Papadopoulos, c’est rarement suédois 
** le grand-père de la signataire de cette lettre me considère comme la plus belle femme du monde

LES RÉPONSES !!

Jennifer Aniston, Pete Sampras, Maria Callas, Elia Kazan, Nana Mouskouri, Tom Hanks (eh oui !)

Confiné.e.s dans l’huile – Épisode 8

Vous n’avez pas fait un seul cours de yoga à distance ? Il vous est impossible de vous concentrer, même devant le bureau des légendes ? Vos enfants passent cinq heures par jour devant la télé quand vous aviez juré que jamais, JA-MAIS !, ils n’approcheraient un écran avant leurs dix huit ans ? Rassurez-vous car il y a au moins un engagement envers lequel vous n’avez pas failli : une bouteille à a été ouverte chaque jour confiné.

Loin de moi d’encourager l’alcoolisme mais j’ai conscience que quand les temps sont durs, les bouchons sautent plus facilement. Alors aujourd’hui on parle d’alcool, sans attendre l’apéro.

Après avoir lu ce qu’il suit, vous en saurez sur Dionysos, Dieu de la vigne, vous aurez joué avec les alcools crétois et pourrez profiter le bon plan de ma soeur Léa : 6 bouteilles pour 59€ transport compris de sa sélection Vins d’avenir livrées chez vous. 

Zeus et Dionysos : une paternité maternelle 

La Mythologie m’a donné plus d’une fois eu l’occasion de vous parler de maternité. Celle de Déméter, qui la porte jusque dans son nom ou celle disons… contrariée d’Héra. Dionysos nous permet d’aborder cette fois le sujet de la paternité.

On a été habitué.e.s à étudier la paternité comme source de conflits : c’est en tuant son père Cronos, qui s’est lui-même opposé à son père Ouranos, que Zeus prend le pouvoir sur l’Olympe. Comme dans le cas d’Oedipe et Laios, pour un homme, donner naissance est souvent une projection de sa propre mort.

Mais le mythe de Dionysos permet d’entr’apercevoir un autre type de relation père-fils : Une relation aimante, protectrice, que l’on pourrait qualifier de maternelle.  

Dionysos est né des amours de Sémélé et de Zeus. Manipulée par la jalouse Héra qui la sait enceinte, elle supplie son amant de la laisser le contempler dans toute sa splendeur. Mais ne pouvant supporter la vue de ses éclairs, elle brûle. Zeus retire alors son fils du ventre de sa mère et le place dans sa cuisse pour mener la gestation à son terme. Dionysos est donc le Dieu « né deux fois », d’abord de sa mère puis de son père*.

La naissance de Dionysos – Détail d’une céramique du IVème avant JC

Cet épisode est raconté dans les Bacchantes d’Euripide :

Dans les transes des maternelles douleurs, quand tomba la foudre ailée de Zeus, sortit de la matrice avant l’heure – car sa mère foudroyée venait de quitter la vie… À l’instant Zeus le Kronide lui ménage un abri d’où il naîtra : dans sa cuisse il le dissimule et l’enferme, au moyen d’agrafes d’or, et le cache ainsi d’Héra… Et lorsque le terme vint, fixé par les Destinées, il le mit au jour, ce Dieu, encorné comme un taureau…

Ce rôle maternel, Zeus l’assume au même point d’éprouver les douleurs de l’enfantement dans la version d’en donne Euripide. 

On notera que Dionysos, fils d’une mortelle, n’est pas un demi-Dieu mais bien un Dieu à part entière. Comme si son séjour dans la cuisse de son père avait supprimé tout héritage maternel. 

Mosaïque du IVème siècle

Mais son ascendance très masculine ne le prive pas de qualités féminines, au contraire ! Dionysos, Dieu aux diverses représentations, ne se contente pas d’être le Dieu du vin : il est aussi le Dieu de la fécondité et du renouveau saisonnier. Son culte est essentiellement porté par des femmes, notamment lors des Dyonisies. Icône de la masculinité, on rappelle que les Dionysies consistent dans la procession d’un phallus géant, il est en même temps un dieu habillé en femme, avec des cheveux longs. Une ambiguïté qui fait de lui l’un des Dieux les plus intéressants de la Grèce Antique.

* thème repris avec plus ou moins de brio dans les films Junior avec Arnold Schwarzenegger ou L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune de Jacques Demi

Un de perdu, un Dionysos de retrouvé 

Quand Thésée parvient à sortir du labyrinthe du roi Minos et à échapper au terrible Minautore grâce à l’astucieuse Ariane, il est bien décidé de rentrer à Athènes avec sa sauveuse. Ariane quitte alors son père et la Crète pour l’aventure de l’amour avec son héros.

Dionysos et Ariane, Albacini , XVIIIe siècle

Pourtant, il ne faudra pas longtemps pour que la romance se transforme en cauchemar : en escale sur l’île de Naxos, Ariane s’assoupi un instant. Mais à son réveil, Thésée est parti en l’abandonnant sur l’île. En matière d’ingratitude, difficile de faire mieux. Heureusement Dionysos passe bientôt par ici et tombe fou amoureux d’elle. En cadeau de mariage, il offre à notre amoureuse une couronne d’or, oeuvre d’Héphaïstos, puis il place la parure de mariée dans le ciel pour former la constellation de la couronne boréale et Zeus, pour récompenser son fils bien-aimé, fait d’elle une immortelle.

C’est ce qu’on appelle le karma.

Jean-Pierre Vernant : “Dionysos, c’est la figure de l’autre”

Je vous recommande chaudement l’entretien de Jean-Pierre Vernant à la Radio Télévision Suisse sur le thème de Dionysos. Il a été réalisé en 2002 mais certaines citations comme «C’est un dieu vagabond. Il arrive dans les villes comme une maladie, une épidémie» sonnent plus actuelles que jamais. 
Voilà 32 minutes bien utilisées.

Cliquez ici pour y accéder.

La meilleure nouvelle depuis le début du confinement 

Ma soeur Léa dont je vous ai déjà parlé a créé pour le confinement une offre tout à fait exceptionnelle :  


59€ transport compris les 6 bouteilles ! 

Marche à suivre :
1. Faites votre choix parmi les 6 offres ci-dessous
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2. Envoyez un mail à lea@sarments.fr
3. Le confinement devient beaucoup plus supportable 

Pour rappel, Vins d’avenir ne propose que des bouteilles de petits producteurs, en bio ou biodynamie. Alors on peut picoler sans culpabiliser (pour son porte-monnaie et la planète. Le foie, c’est autre chose). 

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Yamas !

Trouverez vous quels alcools crétois se cachent derrière ces rébus ?

Un plus difficile pour finir :

Confiné.e.s dans l’huile – Épisode 7 (Partie 2)

Pour ce deuxième chapitre de notre mini-série consacrée au mariage grec, on s’intéresse à deux divinités habituellement appelées déesse ou dieu du mariage. 

Pour rester dans le thème je vous proposerai une recommandation culturelle, enfin…, disons une recommandation tout court !

Mariage et mythologie

La mariage est un thème récurrent de la mythologie grecque. Plus volontiers comme prétexte pour une guerre, on pense à celui d’Hélène et Paris, que pour pour vanter la félicité de la vie maritale d’ailleurs. Les Grecs anciens différencient le mariage de l’amour, de la sexualité et même de la famille*. Chez les Dieux, nul besoin de sentiments, le mariage vous sera généralement imposé, le plus souvent par Zeus lui même. C’est ce qui arrive par exemple à Aphrodite et Héphaïstos ou Perséphone et Hadès. Parfois, il est le fruit d’une malédiction comme pour Jocaste et Oedipe. Bref, loin très loin du “il se marièrent et eurent beaucoup d’enfants“. 

Deux divinités portent plus spécifiquement en elles la symbolique du mariage. 

Mariage de Zeus et d’Héra sur le mont Ida, Pompéi

Héra (Hρα)représente l’union conjugale en opposition à la maternité. D’ailleurs, l’épouse de Zeus n’est guère féconde : ses enfants sont des divinités mineures (Hébé) ou en conflit avec elle (Héphaïstos). C’est avec d’autres épouses (Létô, Maïa, Dioné, Sémélé…) ou seul (pour Athéna) que Zeus engendre les grandes divinités. 
Héra tente, souvent en vain, de défendre les intérêts de ses enfants légitimes. Mais ce souci s’exprime bien plus dans son acharnement pour les enfants adultérins que par sa sollicitude pour ses propres enfants. D’ailleurs, quand elle met au monde Héphaïstos, fâchée d’avoir enfanté un être boiteux, elle le lance du haut du ciel ! Dans la mythologie, l’épouse et la mère ne se trouvent pas dans la même personne… 

Il est très intéressant de noter que Héra a connu un retour de grâce au XIXème puis XXème siècle en Grèce sous l’influence de l’Église orthodoxe. Loin de la débauche Zeus, de l’infidèle Aphrodite, des amours homosexuels d’Apollon ou de l’indépendante et rebelle Athéna, Héra, elle, remplit tous les critères de la parfaite épouse chrétienne. l’Église orthodoxe, qui je le rappelle a été à l’origine de la guerre d’indépendance de 1821 et qui exerce toujours une influence majeure en Grèce, décide habilement de s’emparer de cette figure pour prôner un ordre social normé et conservateur. Difficile dans ce pays toujours ramené à son antiquité illustre de s’affranchir tout à fait de ses mythologies. Alors un travail de réécriture se met à l’oeuvre. Jusque dans les années 1960, les jeunes enfants Grecs apprennent par exemple à l’école qu’Héra est la mère d’Athéna. Ainsi, la déesse amère et malveillante décrite par Ovide ou Homère devient la mère aimante de la protectrice de la capitale. 

Je vous déclare unis par les liens du mariage…. 
Détail d’une céramique, Grèce, Vème siècle avant J

Hymen (Ὑμέναιος), lui, est une divinité qui apparait bien plus tard et c’est les Romains qui feront de lui le Dieu du mariage. Appelé Hyménaios chez les Grecs, on le découvre chez Homère et Hésiode mais il désigne le chant nuptial qui accompagne la future mariée vers la demeure de son époux. C’est Euripide qui, le premier, invoque Hyménaios en tant que divinité. 

Une des légendes tardives les plus célèbres est celle qui l’oppose aux pirates. Ce fils de Caliope et d’Apollon est si beau qu’il est souvent pris pour une femme, ce qui n’empêche pas ce jeune Athénien d’être ignoré par l’élue de son coeur. Pour s’approcher d’elle, il se déguise en vieille femme et se glisse parmi le groupe d’amies. Elles sont justement sur le départ pour se rendre à Éleusis pour sacrifier à Démeter**. Mais à cet instant, des pirates les font prisonnières et prennent avec elles notre malchanceux Hyménaios***. Celui-ci va profiter de ces circonstances malheureuses pour prouver sa valeur. Il attend la nuit et, à lui seul, tue les pirates. Il rentre alors à Athènes et promet de rendre les jeunes filles à condition qu’on lui donne en mariage celle qui l’aime. 

* Une situation similaire à la notre donc
 ** les lecteurs et lectrices les plus appliqué.e.s remarqueront que les newsletter se répondent entre elles 
  *** qui aurait déclaré « je suis pas venu ici pour souffrir ok? »

Rubrique 7ème art : Mariage à la grecque

On commencera par dire que le titre original de ce chef d’oeuvre est beaucoup plus explicite : my big fat greek wedding.

Au cas où quelqu’un aurait l’espoir qu’on éviterait les clichés, la fameuse police de caractères “grecque” de l’affiche permet éviter toute confusion. On utilise le sigma, le “s” grec, comme un “e” ? Peu importe, nous sommes à Hollywood !

Mais avec le bon état d’esprit (avec du vin donc), on saura apprécier quelques répliques cultes et se dire que finalement, notre famille est vraiment super. 

Avec un budget de 5 millions de dollars, le film a rapporté près de 370 millions, dont 90% sont attribués par moi-même à la diaspora grecque que l’on sait nombreuse et nostalgique !

COVID-19 : Mais pourquoi les Grec.que.s s’en sortent si bien ?

La Grèce compte le nombre de décès le plus bas d’Europe, la barre des 100 morts venant tout juste d’être franchie. Explication sur ce succès sanitaire. 

Pourtant “théoriquement, la Grèce se présentait comme la victime idéale de la pandémie. Le système sanitaire est affaibli par une décennie de coupes sauvages et les habitudes font que les gens vivent beaucoup à l’extérieur” affirme Filippos Filippidis, chercheur à l’Imperial College au Corriere della Sera. À ces deux facteurs de risque, on peut ajouter la situation dramatique dans les camps de migrants et la géographie du pays, constitué de plus de 6 000 îles. 

L’explication est simple : toutes les mesures ont été prises très tôt. Annulation de tous les carnavals qui précèdent Pacques dès le mois de février, confinement de la population et fermetures des écoles mi-mars alors que le pays comptait à peine plus de 100 cas, placement en quarantaine de tous les voyageurs arrivant de l’étranger, hôpitaux réservés aux patients atteints du coronavirus pour circonscrire les contaminés et surtout interdiction des baignades en mer ! 

Athènes en plein confinement

Alors que les Grecs fêteront Pâques dimanche prochain, le 19 avril. Une interdiction totale de circulation est en étude par le gouvernement pour empêcher les urbains de rejoindre leur village familial pour la fête religieuse la plus importante de l’année.

Même s’il ne faut jamais crier victoire trop tôt, l’inquiétude est aujourd’hui surtout économique. Certaines mesures se décident comme l’aide de 800€ que les travailleurs non-salariés pourront demander à partir d’aujourd’hui ou ce fond spécial destiné à aider l’industrie du tourisme qui devrait connaître une année blanche. Difficile cependant de ne pas craindre la prochaine crise mondiale pour un pays déjà plus que fragilisé par des années d’austérité. 

Juste pour rigoler, un petit clin d’oeil pour rester dans le thème “fierté grecque” !

Sur le sujet, vous pouvez lire L’Obs qui donne la parole à une Française vit avec son mari Grec et ses enfants dans la périphérie d’Athènes, l’article de Courrier international qui reprend le Corriere della Sera ou cette vidéo très factuelle de CNN.

Pour aller plus loin, je vous recommande aussi la longue interview de l’eurosceptique Olivier Delorme dans la Voix de l’hexagone.

Confiné.e.s dans l’huile – Épisode 7 (Partie 1)

Quand il s’agit de leur héritage culturel, musical ou culinaire, les Crétois sont très conservateurs.

Pour vous faire une idée, pensez à la personne la plus conservatrice que vous connaissez. Vous l’avez ? Non, je ne vous parle pas de cet oncle chauvin qui dit “on fait quand même de bonnes choses en France” en dégustant un St Joseph. Je vous parle plutôt de celui qui a refusé de goûter ce whisky Talisker de 16 ans d’âge parce qu’il préfère le calva maison du voisin. 

Le problème avec le conservatisme, c’est que ce whisky écossais, il était vraiment très bon. L’avantage, c’est qu’il permet aux traditions de perdurer, de se transmettre et de réunir les générations. 

Aujourd’hui, en l’honneur de tous les mariages reportés, oui même ceux auxquels vous étiez ravis d’échapper, on enfile nos habits de lumière et on file à la plus traditionnelle des traditions : le mariage grec ! 

Et comme il y avait fort à dire sur le sujet, ce n’est que le premier acte d’une saga en deux partie. 

Quatre mariages et deux mille invités 

Dans un pays où plus de 90% de la population se reconnaissent comme orthodoxes (et seulement 4% athées), le mariage religieux est de rigueur pour tous les couples qui auraient l’espoir de dîner ensemble au restaurant sans provoquer un mini-scandale. 

Il y a chez la jeunesse grecque une grande fierté vis-à-vis de leurs traditions et elle semble bien déterminée à maintenir ses rituels.

Il y a chez la jeunesse grecque une grande fierté vis-à-vis de leurs traditions et elle semble bien déterminée à maintenir ses rituels.

C’est particulièrement marquant lors de la cérémonie religieuse, avec, par exemple, le rite des Stefana (στέφανα), ces couronnes tressées placées tour à tour sur la tête du marié et de la mariée. C’est souvent l’occasion pour le ou la pauvre témoin responsable de ce passe-passe d’emmêler les rubans et de marcher sur la traine. La cérémonie se poursuit malgré tout et après avoir partagé une coupe de vin, les mariés font trois fois le tour de l’autel et embrassent la croix tenue par le pope*. Pendant son discours, en particulier durant le passage sur les obligations de la mariée envers son époux, les femmes modernes ont le bon goût d’écraser le pied de leur fiancé. Pour qu’il ne se fasse pas trop d’illusions en quelques sortes. 

Après la cérémonie, on rejoint le lieu de la fête et si vous avez déjà croisé un.e Grec.que dans votre vie, vous savez qu’ils s’y connaissent en générosité. Alors on oublie la liste de mariage et on invite tout simplement le village en entier. 500 personnes ? Même pas peur. 

Les grandes tables sont installées et le Meltemi, le vent du Nord qui souffle l’été, vient s’engouffrer sous les nappes en papier. Pas de plan de table, pas de buffet. Les assiettes de mezze sont déjà servies et chacun peut déguster une tiropita, un peu de xigalo, le fromage de chèvre et brebis local ou un dolmades. Puis arrive un plat de spaghetti (trop cuites) sauce tomate à la viande façon bolognaise avant l’agneau (ou le porc) au four, toujours accompagné de frites. C’est souvent froid mais on est pas venu pour ça. 

Opa!

Danseurs et danseuses à un mariage au centre de la Crète en Juillet 2019 photographié.e.s par Georges Tatakis.

Mieux que Claude François pour réunir les générations, la seule musique acceptée est le rebetiko (ρεμπέτικο), ce style de musique grec dont j’aimerai beaucoup vous parler une prochaine fois. En ce qui concerne la danse, vous avez sûrement entendu parlé du Sirtaki, celle que l’on aperçoit dans le mythique Zorba Le grec par exemple ? De façon similaire, en Crète, on danse en ligne en se tenant par le bras. Et à chaque région de Grèce, sa déclinaison. En Crète, nous avons le Siganos (σιγανος) ou le rapide Maleviziotis (μαλεβυζιώτης).

Quelques fois, le mariage se transforme en véritable performance de danse comme lors de celui-ci. À d’autres, plus sérieux, des danseurs professionnels viennent ouvrir le bal comme lors de celui-ci ou celui-là.

Vous voulez profiter du confinement pour apprendre quelques pas ? Voici un tuto ! 

 * je vous parle d’un temps que les pré-covid19 ne peuvent pas comprendre. 

Le mariage de Thétis et Pelée

Pire encore que le mariage de mon meilleur ami*, je vous présente le mariage de Thétis et Pelée.

Pelée retenant Thétis par la taille. Un petit lion semble surgir derrière sa tête pour venir mordre le bras de Pelée, faisant allusion aux transformations de Thétis. 

Alors que Zeus lui-même convoite la belle néréide Thétis, la sage Thémis fait la prédiction suivante  : Déesse de l’onde, il faut que tu deviennes mère ; de toi naîtra un fils dont les exploits surpasseront ceux de son père et qu’on proclamera plus grand encore.” Inquiet, Zeus préfère alors la marier à Pelée. On est jamais trop prudent.

Fâchée de devoir épouser un simple mortel, Thétis s’échappe. Avec l’aide du centaure Chiron, Pelée se met à sa poursuite et la retrouve dans une grotte de Magnésie. Ultime tentative de fuir ce mari encombrant, elle se transforme alors tour à tour en lion, serpent, feu, seiche, arbre et eau. Mais ce dernier l’attache avec des chaines et l’enserre si fort de ses bras qu’elle reprend sa forme humaine. “Ce ne peut être, dit-elle, que par la volonté des Dieux que tu triomphes.”** : Le mariage peut enfin avoir lieu. 

Tous les Dieux sont invités à l’union sur le mont Pélion. Tous ? Non ! Eris, la Discorde, dont on redoute la présence n’est pas conviée. Pour se venger, celle-ci apparait tout à coup et jette sur le banquet une pomme d’or qui porte l’inscription “A la plus belle!”. C’est cette pomme qui, indirectement, sera la cause de la guerre de Troie. Et pour boucler la boucle, devinez qui nait de l’union de Thétis et Pelée ? Je vous le donne en mille : Achille !

Mariage de Thétis et Pélée par Rubens

 * Classique de 1997 avec Julia Roberts
 ** Ovide, 
Les Métamorphoses. Qui a dit que ces astérisques ne servaient qu’à faire des blagues ?

Confiné.e.s dans l’huile – Épisode 6

Hier, j’ai lu qu’à l’île de Ré un faux arrêté préfectoral distribué dans certaines boites aux lettres demande aux non-résident.e.s de partir. Pas mal de gens découvrent pour la première fois ce sentiment désagréable de n’être pas le ou la bienvenu.e. Pourtant, c’est un sentiment que connaissent bien les immigré.e.s, les parents de jeunes enfants dans le TGV ou les infirmiers et infirmières dans certains immeubles actuellement … J’ai pensé alors à d’autres pestiféré.e.s, ceux de l’île de Spinalonga, à quelques kilomètres d’Adravasti. Bientôt, vous saurez tout sur l’histoire folle de cette île !

Ensuite, je vous recommande la lecture du meilleur des romans de gare : l‘île des oubliés de Victoria Hislop qui traite justement de Spinalonga (et je vous donne des astuces pour commander des livres sans passer par Amazon 😉  )

Enfin, on reste dans le thème et on joue ensemble à Questions pour un confiné !   

Les Crétois ont décidés de vous éliminer et leur sentence est irrévocable

Face à Elounda, à côté d’Agios Nikolaos à l’Est de la Crète, se trouve la minuscule île de Spinalonga. Ce sont les Vénitiens – qui ont occupé la Crète entre le 13ème et le la fin du 17ème siècle – qui s’y sont les premiers intéressés et y ont construit une puissante forteresse. Mais si l’île est célèbre, c’est surtout qu’elle fut pendant un demi-siècle l’île des lépreux. À partir de 1903, tous.tes les lépreux et lépreuses de Crète sont déporté.e.s vers cette île pour y vivre enfermé.e.s, sans soins ni espoir d’en sortir un jour. 

Pendant plus de cinquante ans, près de 500 personnes y ont été enfermées, privées de citoyenneté et rayées des registres de naissance. La maladie qui déforme les membres et le visage fait peur. Aux yeux des Crétois, elles sont maudites, dangereuses, contagieuses, suspectes de transmettre le mal par hérédité, par contact physique ou même par le regard. Tout est fait pour cacher l’existence de cette île ainsi que celle de ses habitants. 

Devant l’Eglise de Spinalonga, début du XXème siècle

Ils et elles vivent plus ou moins coupé.e.s du monde, enfermé.e.s à vie sur ce rocher. Alors contre cet abandon, les habitant.e.s de Spinalonga s’organisent, recréent une vie de village, avec école, épicerie, boulangerie, cafés et barbier. 

En 1957, l’île cesse son activité d’accueil des lépreux et lors de l’évacuation de l’île, on découvre que certains « lépreux » n’étaient en fait qu’atteints de maladies de peau… 

Mais les habitant.e.s de la région, qui bénéficiaient de l’île en faisant payer à des prix exorbitants leurs fruits, légumes et médicaments aux lépreux qui touchaient une petite rente de l’État, s’inquiètent de la perte de cette source de revenus. Les vestiges vénitiens et ottomans sont d’abord mis en valeur, mais c’est surtout ce qui reste du passage des lépreux, effacé dans un premier temps, qui devient la poule aux oeufs d’or. L’Ile des oubliés de Victoria Hislop et la série télévisée grecque qu’elle a inspirée ont transformé Spinalonga en destination touristique majeure. Un dérangeant mouvement de récupération touristique se met alors en place. Avec lui, la mémoire de la léproserie, d’abord niée comme un épisode honteux, retrouve bientôt un intérêt économique. Cette exploitation de la mémoire a été mise en lumière par Maurice Born dans sa longue thèse intitulée Archéologie d’une arrogance.  À travers le cas de la lèpre, Archéologie d’une arrogance ouvre une réflexion sur les représentations de la maladie en général, sur la contagion, la peur, le refus, qui vaut plus largement que le cas de Spinalonga. Bref, que des sujets très actuels !

Spinalonga depuis Plaka, 1903

Lecture de confinement

Vous avez pensé que vous alliez enfin pour vous atteler à lire la Recherche du temps perdu et misère vous voilà à revoir pour la 3ème fois cette vidéo du chien qui fait du yoga (elle était quand même super bien cette vidéo) ? Alors on revoit ses ambitions à la baisse et on se plonge dans L’île des oubliés de Victoria Hislop paru en 2005, elle a pas gagné le Nobel de littérature mais vous le finirez plus vite qu’une série Netflix. 

Et si vous vous demandez comment se procurer ce chef d’oeuvre sans passer par Amazon, Alléluia, vous trouverez la réponse en cliquant ici.  Et le lien direct pour les parisiens.

Le quatre à la suite !

Rien de mieux qu’un peu de mer agitée pour mettre de la distance avec une population d’indésirable.

Devinerez vous qui se cache derrière ces descriptions ??*

#1
Île de 9 hectares, je dois mon nom aux pélicans à qui je servais de refuge. Forteresse militaire, prison militaire puis prison de haute sécurité jusqu’en 1963, j’accueille aujourd’hui plus d’un million de touristes tous les ans. Burt Lancaster et Clint Eastwood ont marqué mon histoire et je reste la plus mythique des prisons. Située dans la baie de San Fransisco, je suis, je suis…

#2
De forme oblongue, je mesure 68 mètres de long dans l’axe sur 31 mètres de large. Gouffre financier, ma construction dura 53 ans et coûta la vie à de nombreux ouvriers et matelots. Longtemps surnommé « fort de l’inutile » par les locaux, c’est désormais Félindra et Passe-partout qui font ma renommée. Situé entre l’île d’Aix et l’île d’Oléron en Charente-Maritime, je suis, je suis…

#3
Édifiée sur les ordre de François premier en 1527, je suis une forteresse française rentrée dans l’histoire et la littérature. Ma construction carrée de trois étages ne paye pas de mine mais mes trois tours rassemblaient une puissance de feu considérable, faisant de moi une puissante citadelle. Puis je sers de prison pendant près de 400 ans. Dans l’archipel du Frioul, au centre de la rade de Marseille, mon plus célèbre prisonnier est Edmond Dantes. En mon sein, il rencontre de l’Abbé Faria avant de s’échapper et devenir le Compte de Monte Cristo. Je suis, je suis…

#4
Île de près de 13 hectares, dont la grande partie a été crée artificiellement, je forme un U pour accueillir les bateaux. D’abord appelée Fort Gibson, je fus l’entrée principale des immigrants qui arrivaient aux États-Unis entre 1892 et 1954, dont Vito Corleone qui m’aperçu depuis son bateau. Ile entrée dans la légende située à l’embouchure de l’Hudson à New York, je suis, je suis…

* Ce jeu se joue en imitant la voix de Julien Lepers, évidemment

PS : Logo “Questions pour un confiné” réalisé par mes soins. Vous en pensez quoi ?

RÉPONSES :

#1 – Alcatraz

Je vous recommande d’ailleurs le podcast d’Affaires sensibles sur le sujet !

https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-03-janvier-2018

#2 – Fort Boyard 

#3 – Château d’if 

#4 – Ellis Island 

Confinés dans l’huile – Épisode 5

Heure d’été cette semaine, passage de l’hiver au printemps il y a dix jours sans compter ma grand-mère qui m’a encore dit hier qu’il “y’a plus de saisons”. Bref, on ne pouvait imaginer un meilleur moment pour vous parler d’un de mes mythes préférés, celui du rapt de Perséphone par Hadès et la création des saisons.

Sur une plaine ensoleillée,
narcisses blanches et nymphe Cyané…

Perséphone (Περσεφονη), souvent appelé Coré (Κόρη, la jeune fille), est la fille de Demeter (Δημήτηρ, composé de μήτηρ, la mère), déesse de l’agriculture et de la fertilité et de Zeus. 

Alors qu’elle cueille des narcisses avec la nymphe Cyané dans la plaine d’Enna, en Sicile, Perséphone est enlevée par Hadès, le dieu des Enfers, qui surgit soudainement des entrailles de la Terre sur son char tiré par ses chevaux bleu nuit.

La nymphe Cyané tente de s’interposer mais d’un coup de sceptre, Hadès disparait de la surface terrestre et emporte Perséphone avec lui. Terrassée par le chagrin, Cyané, en larmes, se transforme immédiatement en fontaine. C’est comme cela que la pauvre Perséphone rentre dans la longue tradition des femmes capturées et abusées de la mythologie grecque*.

Avant de disparaître, Perséphone a juste le temps de pousser un cri. 

Terre cuite datant du 1er siècle avant JC découverte en Asie Mineure représentant Démeter et Perséphone. On y perçoit l’immense tendresse qui unit la mère et sa fille.

Pendant neuf jours et neuf nuits, Demeter, sous les traits d’une vieille femme crétoise, cherche sa fille adorée dans le moindre recoin. Pleine de fureur, elle quitte l’Olympe et délaisse les champs et les cultures. Selon l’hymne homérique à Déméter, seul.e.s Hécate, la déesse de la Lune et Helios, la personnification du Soleil, ont entendu le cri de Coré. Démeter, se rend justement auprès d’Hélios qui lui confirme l’insupportable nouvelle : inutile de remuer ciel et terre plus longtemps car c’est aux Enfers que sa fille est cachée !

Sans la protection de la plus fertile des déesses, plus rien ne pousse, le bétail meure et très vite, la famine ravage la Terre. 

Les dieux s’en inquiètent à commencer par Zeus, complice du rapt de la jeune Perséphone. Toujours soucieux du sort des mortels, le roi de l’Olympe souhaite trouver une issue au conflit qui oppose Hadès et Démeter.

Il envoie donc Hermès dans le monde souterrain pour exiger d’Hadès qu’il rende Perséphone. N’osant s’opposer trop frontalement à son frère tout puissant, Hadès tente une habile manipulation : il acceptera de renvoyer Perséphone à condition qu’elle n’ait pas goûté à la nourriture des morts. Quand elle lui affirme qu’elle n’a rien touché depuis son terrible enlèvement, Hadès, pris à son propre piège, n’a d’autre choix que de la laisser partir. 

Détail du Rapt de Proserpine du Bernin, 1624.

Mais hélas ! Au moment où Perséphone s’apprête à quitter les Enfers, Ascalaphos assure l’avoir vu manger un grain de grenade. Dans la version d’Ovide, pour le punir de cette odieuse délation, Démeter le transforme en chouette**. Pour un seul grain de grenade, Perséphone est condamnée à ne plus voir la lumière du jour…

Démeter est inconsolable et la famine continue de faire rage. Bien embêté, Zeus propose alors le compromis suivant : Perséphone passera la moitié de l’année sur Terre avec Déméter et l’autre aux Enfer avec Hadès. Six mois par an, notre jeune Coré qui aimait cueillir les fleurs avec les nymphes sous le soleil de Sicile se métamorphose en cruelle reine des Enfers. Elle est souvent représentée auprès de son mari, tenant un pavot dont les vertus soporifiques symbolisent le sommeil annuel de la nature car nous tenons ici l’explication des saisons : Perséphone, aux côtés de son mari, rien ne pousse et rien ne fleurit : c’est l’automne et l’hiver. Mais dès qu’elle retrouve sa mère, les cultures reprennent, c’est le printemps et l’été.

Le Rapt de Proserpine, Rembrandt, 1631

* Nos pensées à Cassandre, Daphné, Danaé, Callisto, Méduse…
** Confirmant que «snitches get stitches»  

Pour les complotistes d’entre vous

Les amateurs de Martis remarqueront que cette histoire rejoint celle de nos petits bracelets rouge et blanc.

Détail de la grande stèle des mystères d’Éleusis, ou relief de l’initiation, découverte à Éleusis en 1859. Elle représente Démeter, à gauche qui donne un objet mystérieux au jeune roi d’Éleusis Triptolème sous les yeux de Perséphone, à droite. 

Nikolaos Politis, pionnier de l’étude des folklores grecs, lie la coutume des Martis aux origines mystérieuses au mythe de Déméter, la déesse de la terre. Alors que Démeter est à la recherche de sa fille, elle arrive déguisée en mendiante dans la ville d’Éleusis, près d’Athènes. Malgré son apparence modeste, le roi Céléos la reçoit avec respect et lui offre du vin et du fromage. Pour le remercier, elle lui enseigne l’art de l’agriculture et l’initie à ses “Mystères”. C’est  le point de départ d’une tradition, les fameux Mystères d’Éléusis, qui devient une des fêtes les plus célèbres et énigmatiques de la Grèce antique. Castors & Pollux, les fondateurs de Rome, ou encore le philosophe Hippocrate (et Beyoncé aussi, selon moi) auraient fait partie des initiés.
On sait peu de choses des rituels respectés au cours de cette fête hormis que ses initiés portaient un bracelet rouge et blanc à leur main droite…

Pourquoi la tartine qui tombe atterrit-elle
toujours du côté où se trouve la confiture ?

On appelle mythe étiologique un mythe qui cherche à expliquer l’origine d’un phénomène naturel, ou la création d’un être ou d’une chose. La création des saisons par exemple ! Ovide en était particulièrement friand et on trouve de nombreux dans ses Métamorphoses.


Trouverez-vous lequel de ses phénomènes n’a pas été expliqué par Ovide ? *

1. Pourquoi nos voix forment un écho ?

2. Pourquoi le vernis sur les doigts de pieds tient beaucoup plus longtemps que sur les mains ?

3. Pourquoi les araignées tissent un fil ?

4. Pourquoi Nicolas et Carla sont-ils tombé.e.s amoureux ?

5. Pourquoi le plumage du paon semble dessiner des yeux ?

LES RÉPONSES

Pourquoi nos voix forment un écho ?

Nymphe des montagnes, Echo est condamnée à ne plus pouvoir parler, sauf pour répéter les derniers mots qu’elle avait entendus par Héra après que cette dernière eut compris qu’Écho couvrait les infidélités de Zeus en embarquant Héra dans d’interminables récits qui l’empêchaient de prendre son époux sur le fait.

Pourquoi les araignées tissent un fil ?

Jeune fille de Lydie en Asie Mineure, Arachné provoque la colère d’Athéna quand elle lui affirme qu’elle est la meilleure tisseuse du monde, meilleure même que la déesse. Afin de lui prouver sa supériorité et la punir de son arrogance, Athena organise un concours. Tandis que la déesse choisit d’illustrer sa broderie des dieux de l’Olympe et dans les coins les mortels présomptueux, la jeune fille, elle, représente les dieux en proie à des comportements honteux, notamment Zeus avec ses nombreuses amantes illégitimes. Le tissage est parfait mais jalouse et furieuse, Athena déchire l’ouvrage d’Arraché. Ainsi humiliée, la mortelle se pend. Pleine de remords, Athena offre alors une seconde vie à à Arachné, mais cette fois-ci en araignée suspendue à son fil, pour qu’elle puisse tisser pour l’éternité.

Pourquoi on ne peut rien faire contre l’amour ?

Amoureuse ? Amoureux ? Ne chercher plus si c’est ce petit nez retroussé qui vous a séduit ou cette culture encyclopédique. C’est tout simplement ce cher Cupidon, fils d’Aphrodite, qui vous a touché d’une de ses flèches ! Si Carla n’a rien pu faire, vous non plus.

Pourquoi le plumage du paon semble dessiner des yeux ?

Héra confia à Argos, géant doté de cent yeux, la surveillance d’Io, prêtresse du temple d’Héra, qu’elle soupçonne d’entretenir une relation avec Zeus, son mari. Ce dernier confie alors à Hermès la mission de tuer le géant. Hermès l’endort en lui chantant une longue chanson accompagnée de sa lyre et profite de son sommeil pour lui couper la tête. Pour honorer sa mémoire, Héra récupère alors ses yeux et s’en servit pour garnir la queue de son animal favori, le paon.

 * On m’a indiqué que mes jeux de la lettre 3 étaient trop durs, je m’adapte donc à mon lectorat 😉  

Le rapt de Perséphone, le florilège

Ce mythe, je ne suis pas la seule à l’aimer. Sujet classique s’il en est, il inspire les artistes depuis plus de deux mille ans ! Je vous ai concocté un florilège de ses représentations du Bernin à Rembrandt en passant par Dürer : 

Sarcophage romain en haut-relief en marbre,

2ème siècle après JC 

Albrecht Dürer, 1516

Nicolo dell’ Abate, 1570

Le Bernin, 1624

Cette statue du Bernin, j’ai eu la grande chance de l’admirer à la villa Médicis à Rome. La détresse de Perséphone, le geste violent et charnel d’Hadès, la rage du cerbère aux trois tête dissimulé ici, tout y est magnifique.

Les larmes de Perséphone

La force d’Hadès

Rembrandt, 1631 

Simone Pignoni, 1650 

Frederic Leighton, 1891

John William Waterhouse, 1912

La jeune fille et la mort, ballet de Stephan Thoss, 2015

Confinés dans l’huile – Épisode 4

Quelle meilleure occasion de prendre un peu soin de nous que ce confinement ?

Si c’est l’aspect culinaire qui monopolise d’habitude mon attention, l’huile possède aussi de nombreuses qualités cosmétiques.  Alors on sort de son pyjama et on apprend deux trois choses au passage. 

Les corps (nus et huilés) à l’Antiquité 

Au bain ! 

Chez les grecs de l’Antiquité, la beauté passe avant tout par la propreté. Les demeures les plus riches possèdent leurs propres salles de bain, alimentées en eau par les aqueducs, voire des thermes privés pour les plus vastes domaines et pour les autres, les thermes publics sont omniprésents en ville. Verdict : confiné.e ou pas, on file sous la douche. 

Des corps huilés

Intérieur d’une coupe. Un athlète verse de l’huile dans sa main alors qui se prépare pour l’exercice, 510 avant JC

Ceux qui prennent le plus le soin de leur corps, ce sont les athlètes. Avant les exercices, ils se lavent à une fontaine puis se frictionnent d’huile d’olive pour éviter les accidents musculaires. Souvent, ils mélangent l’huile à du sable avant de s’en recouvrir pour se protéger du froid, du soleil et des coups portés. L’huile est gardée dans des amphores en terre cuite. Pendant les prestigieuses Panathénées, les jeux d’Athènes, des amphores sont offertes aux vainqueurs sur lesquelles est le plus souvent représentée Athena, elle qui avait justement offert un olivier à la ville qui porte son nom.

Athena couronne le vainqueur d’un match de boxe. 363 avant JC

Tous nus et tous bronzés 

N’importe quel enfant lâché au Louvre l’aura vite remarqué : les grecs s’embarrassaient assez peu de textile.  Mais attention, la nudité n’est pas pour tout le monde. Les femmes restent couvertes quand les corps des hommes se dévoilent comme on le voit sur cette amphore du 4ème siècle avant JC. 

Boxeurs nus couronnés par Olympia, habillée sur la gauche, 340 avant JC

À l’inverse de notre époque moderne, c’est sur les jeunes hommes que la pression sociale de l’apparence s’exerce. Sans toge pour cacher ce petit bourrelet acquis lors du dernier banquet, il n’est pas question de se laisser aller, d’autant plus que les normes esthétiques sont sévères : on les veut minces, élancés et le muscle saillant s’il vous plait !

Pour les grecs, être nus, c’est accéder à une forme supérieure de civilisation. D’ailleurs, seuls les citoyens peuvent avoir cet honneur. La nudité athlétique est au grec ce que le dernier iPhone est au californien du XXIème siècle : une certaine idée du progrès.  

Voici ce qu’en dit Platon dans sa République :

– Il n’y a pas si longtemps qu’aux yeux des Grecs certaines choses paraissaient honteuses et ridicules, qui le sont encore aujourd’hui aux yeux de la majorité des Barbares, à savoir que les hommes se laissent voir nus. Rappelons que, lorsque les Crétois, les premiers, et ensuite les Lacédémoniens se mirent à pratiquer nu, les policés de ce temps avaient quelque droit de railler toutes ces nouveautés ; ne le crois-tu pas ?
– Si.
– Mais lorsqu’en s’exerçant ils s’aperçurent qu’il était préférable de se dévêtir que de demeurer vêtu, même ce qui semblait ridicule à leurs yeux disparut devant ce que les arguments révélaient comme ce qu’il y a de meilleur. 

Beaux et belles comme des dieux


Fini la théorie ! Voici trois idées pour vous chouchouter à la grecque.

1. Un gommage pour la peau 

Détail de la Venus/Aphrodite de Milo, 2ème siècle avant JC

Le corps sexuellement idéal, pour le Grec de l’Antiquité, est un corps jeune à la peau éclatante, douce et lisse comme celle des statues de bronze qui étaient entretenues polies et brillantes pour rester lumineuses et douces au toucher. 

Alors pour se la jouer statue grecque, on suit le programme suivant : 

Ingrédients : 
– Deux cuillères à soupe de sucre fin
– Deux cuillères à soupe d’huile d’olive (ou amande douce ou macadamia)
– Une cuillère à soupe de miel liquide
– Un demi citron (qui cicatrise les petits boutons)

Appliquez  le gommage sur peau humide pour les peaux sensibles, en réalisant des mouvements circulaires et en insistant au niveau des genoux, coudes et talons, puis rincez à l’eau claire.

2. Un masque pour les cheveux 

Détail de Dionysos avec Panthère et Satyre, 2ème siècle après JC

Ingrédient :
– Huile d’olive 

On démêle les cheveux s’ils sont longs et on applique l’huile petit à petit en commençant par la racine. Avec un peigne, on applique l’huile jusqu’aux pointes et on laisse poser sous une serviette chaude si possible ou un torchon (vous allez avoir des taches de gras !). Habituellement, je vous aurais conseillé de le garder toute la nuit mais grâce au confinement, vous pouvez le faire en pleine journée. L’astuce : mettre un bonnet de bain de piscine et hop, on peut vaquer à ses occupations ! 

Bonus : Ça marche aussi pour les barbes (qui sont j’imagine de plus en plus fournies !) 

3. Un soin pour les ongles

Détail de l’aurige de Delphes, ou Hêniokhos (du grec ἡνίοχος, « qui tient les rênes ») 478 avant JC

Ingrédients : 
– Huile d’olive 
– Quelques gouttes de jus de citron 

Massez vos ongles chaque soir avec de l’huile d’olive et quelques gouttes de citron connu pour ses propriétés blanchissantes. L’huile d’olive donnera un aspect brillant à vos ongles et assouplira vos cuticules, que vous pourrez plus facilement repousser par la suite.

Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n’a jamais de fin ! 

… dirait Baudelaire pour parler de ce qui nous arrive. 

Raymond, un parrain d’olivier, a lui aussi pris sa plume pour répondre à ma dernière lettre. Je vous laisse en profiter : 

Vous ne rêvez pas, oui, il s’agit bien d’un sonnet en alexandrins ! Alors bravo et merci à lui pour ce cadeau qui fut un vrai rayon de soleil dans mon confinement.

Et en Grèce ?

On m’a demandé de faire un point sur la situation en Grèce.

Les grecs se sont confinés assez tôt, dès le 10 mars quand il y avait moins de 100 cas sur le territoire, et comptent encore peu de malades et de morts (environ 1000 cas confirmés et moins de 30 morts au moment où j’écris). Il y a néanmoins deux sujets d’inquiétude : l’état de l’hôpital public grec tout d’abord, terrassé par les politiques d’austérité, et les camps de migrants, notamment celui de Lesbos où le virus pourrait faire des ravages. 


J’échange régulièrement avec nos producteurs crétois. La proximité de la nature et le bon air crétois leur permettent de ne pas souffrir autant que nous du confinement. Cependant, Manolis, notre producteur d’huile d’olive, craint pour l’avenir économique de son pays qui panse encore les plaies d’une crise terrible. Il est aussi inquiet du gel des commandes d’un de ses clients allemand qui constitue, avec nous, un de ses plus gros comptes. Brigitte, la productrice de savon est, elle, très occupée par l’école à la maison de ses deux filles. En famille, ils profitent de ce moment suspendu pour planter des graines, les regarder pousser et savourer encore un peu plus le luxe inouï d’être entourés d’une nature si belle.

Pour finir, l’hymne “on reste chez nous” (“Θα κάτσω σπίτι”) chantée par des célébrités grecques, qui m’a été partagée par une de nos marraines, Cécile !

Chouchoutez vous bien et à très vite, 

Manon

Confinés dans l’huile – Épisode 3

Fini la déprime pour cet épisode trois !

Au menu : des jeux, des jeux et encore des jeux. Vous avez des ados à la maison ? J’ai pensé à vous. Vous aimez vous creuser la tête ? Il y en a aussi pour vous.

1er jeu :
Mythologies modernes


On finit par le film en question : 

Merci à Manuel pour son savoir illimité, surtout quand il s’agit de cinéma d’action américain 🙂 

Réponses :

A-6-β, B-5-ζ, C-4-δ, D-3-γ, E-2-α, F-1-ε

2ème jeu :
Rébus mythologiques

Trouverez vous ces divinités qui se cachent derrière ces rébus ??

#1 

  • Mon premier m’évoque Angela Davis et les Jackson 5
  • Mon deuxième est une addition réalisée Agatha Christie mais bon, aujourd’hui ça ne se dit plus 
  • Mon troisième est une version glottophobe de ma boisson préférée

 “Infortunée que je suis, te voilà encore à mes côtés, pleine de desseins perfides” dira Hélène à mon tout. 

#2 

  • Mon premier dit « Monsieur » en allemand 
  • Mon deuxième est un synonyme de boutons, sans le nez 
  • Le loup n’en avait pas mais il avait tout le temps faim donc l’un dans l’autre… 

Mon tout a un jumeaux qui est aussi son demi-frère, ce qui est, vous l’admettrez, peu courant. 


#3 (l’instant regression)

  • De mon premier, Jean-Marie Bigard adore parler 
  • Mon deuxième est un prout grec 
  • Pour mon troisième, reprendre c’est voler 

Mon tout est très sollicité tous les ans au mois de février

#4

  • Ma première est avocate des droits de l’homme. Elle prend aussi son p’tit dej avec Georges Clooney. 
  • En faisant le lit, ma grand-mère appelait mon deuxième « têtes » et c’est mon erreur de français préférée 

Mon tout, Zeus lui doit la vie !

Assez réfléchi ?

Réponses :

  1. Aphrodite
  2. Herakles
  3. Cupidon
  4. Amalthée

D’ailleurs, en parlant d’Amalthée, fierté crétoise oblige, je vais vous en toucher quelques mots : 

Dans la mythologie grecque et, à l’origine, dans la mythologie crétoise, Amalthée est la mère nourricière de Zeus. On la représente soit sous la forme d’une chèvre qui allaite le Dieu encore bébé dans une grotte de Crète, soit, et le plus fréquemment, sous les traits d’une nymphe qui lui donne à boire le lait d’une chèvre. La chèvre s’étant cassée une corne, Zeus l’offrit à Amalthée, en lui promettant que cette corne se remplirait miraculeusement de fleurs et de fruits : c’est la corne d’abondance. La peau de cette même chèvre fournit plus tard l’armure de Zeus, l’égide. Le dieu plaça Amalthée et l’animal parmi les astres (comme quoi Mufasa n’avait pas tort).

3ème jeu :
Dis le moi en emoji

Retrouvez les mythes grecs qui se cachent derrière ces emoji ! 


#1 –  🦁🐉🦌🐖🐎🐤🐂🐎👸🏻🐲🍏👹

#2 –   👩🏻🌳🧜🏼‍♂️🐎

#3  –  👼🏼⚡️🐏🐝👑

#4 –  💑 ⛵️😴🐎🔥

Et maintenant, à vous !

Traduisez les mythes suivants en emoji : 

  • La naissance de Dionysos de la cuisse de Zeus 
  • Et celle d’Athena, cette fois, du crâne de Zeus
  • Le mythe de Cupidon, fils d’Aphrodite et d’Arès, qui se blesse de sa propre flèche et tombe malencontreusement amoureux de Psychée
  • Et celui de Perséphone, enlevé par Hadès à sa mère Déméter, expliquant l’origine des saisons
  • Sans oublier d’Oedipe, condamné à épouser sa mère et tuer son père, qui résolu l’énigme du Sphinx et libéra Thèbes
  • Ou Thésée, qui a combattu le Minotaure et réussi à sortir du labyrinthe grâce au fil d’Ariane…

Et surtout pensez à me partager vos trouvailles !!


Réponses :

1. Les douze travaux d’Herakles : Tuer le lion de Némée; Tuer l’hydre de Lerne, un serpent à plusieurs têtes; Capturer la biche de Cérynie, une biche ayant la particularité de posséder des pieds d’airain, protégée par Artémis; Capturer le sanglier d’Érymanthe;  Nettoyer les écuries d’Augias en un jour; Tuer les oiseaux du lac Stymphale, qui mangent les hommes; Capturer le taureau furieux de Crète; Capturer les juments de Diomède, qui ont la particularité de se nourrir de la chair des hommes; Rapporter la ceinture d’Hippolyte, reine des Amazones; Tuer le monstre Géryon et voler son troupeau; Prendre les pommes d’or du jardin des Hespérides; Capturer Cerbère et délivrer Thésée des enfer

2. La fondation d’Athènes (voir newsletter #1)

3. La naissance de Zeus et son enfance, nourri et protégé en Crète par la chèvre Amalthée et les abeilles qui butinent pour lui le miel de thym avant de devenir une fois pour toutes roi des Dieux.

4. La guerre de Troie. Hélène et Paris tombent amoureux et partent ensemble à Troie ce qui provoque la colère de Ménélas. Les grecs partent en bateau, tiennent le siège de la ville et finissent pas s’introduire avec un cheval de bois grâce à l’ingénuité d’Ulysse et de brûler la cité.


Réponse : 
¡ ǝƃɐɹnoɔ uoq

Confiné.e.s dans l’huile – Épisode 2

Au sommaire en ce dimanche qui n’a pas du tout l’air d’un dimanche : 

  • Je vous dis tout sur les tamatas, ces jolis ex-voto grecs
  • Une suggestion pour une activité créative en famille : et si vous faisiez vos propres tamatas chez vous ?
  • Sainte Paraskeve ça ne vous dit rien ? C’est le moment pour en savoir plus sur la moins racunière des Saintes

Hakuna Tamata

Depuis l’Antiquité, en Grèce peut être plus qu’ailleurs, les hommes et les femmes n’ont jamais cessé de faire des offrandes à(aux) Dieu(x) pour s’assurer ses(leurs) bonnes faveurs.

Dans les chapelles orthodoxes, vous trouverez des murs entiers recouverts de petits rectangles en métal découpé représentant une personne aimée, des yeux, un bateau ou encore un militaire en uniforme. Ils implorent la renaissance d’un amour perdu, la guérison miraculeuse d’un organe ou le bon retour d’un marin.

Alors que dans la tradition catholique, les demandes intéressées sont symbolisées par un cierge allumé ou une pièce déposée, cette tradition prend en Grèce une forme beaucoup plus visuelle :

Le τάμα (de τάζω, promettre) est ce morceau de métal adressé à Dieu, à un Saint ou une Sainte. Ces petits contrats avec une divinité qui décorent les chapelles cachent mille et une histoires singulières.  Simple précaution, une façon de dire « on ne sait jamais » ou dernier espoir, comme pour se résoudre « si dieu ne peut rien y faire, c’est que c’est bien foutu ». 

J’aime beaucoup m’arrêter sur ces ex-voto naïfs dans les chapelles crétoises et en ces temps troublés, il me reviennent en tête.

Alors on s’y met nous aussi ! En plus, ça nous donne l’occasion d’en faire une super activité créative en famille. 

Tamata de la minuscule chapelle de Xerocampos en Crète, 2016

À vos voeux, prêts, partez

Pas besoin de métal : On prend une feuille de papier, des feutres et du ruban si on en a sous la main et c’est parti !

Proposez à vos enfants de dessiner ceux ou celles qu’ils ou elles veulent protéger, les personnes qui leur manquent ou toutes ces jolies choses que l’on rêve de refaire. En ces temps de confinement, on peut imaginer des tamatas évoquants la mer, des paysages sauvages, le parc d’en bas, un anniversaire plein d’enfants ou un ballon de foot. 

Voici ce que ça donne chez nous. Réalisation d’Achille, 4 ans, très porté sur le football !

Elle vous a à l’oeil

À l’instar de Saint Antoine de Padoue chez les catholiques, Sainte Parascève (en grec Αγία Παρασκευή, littéralement Sainte Vendredi) est certainement la plus sollicitée des Saints et Saintes ! Guérisseuse des aveugles, c’est peu de dire qu’elle doit posséder une une bonne collection de tamata chez elle*.

Parascève naît dans la région de Rome au IIe siècle après JC. Belle et bien éduquée, les prétendants ne manquent pas ! Mais faire un beau mariage est la dernière de ses préoccupations. Elle veut consacrer sa vie au Christ et le dit au et fort… Ce qui n’est pas au goût de l’empereur romain Antonin le Pieux qui la convoque pour lui ordonner de mettre un terme à sa campagne d’évangélisation. On a beau être empereur, tout ne va pas toujours comme on veut : une fois face à elle, il tombe sous son charme et la demande en mariage. Le refus de Parascève signe le début de ses ennuis. Elle est enfermée et torturée mais semble protégée par sa foi. La curiosité autour de cette jeune martyre grandit alors. Pour se débarrasser d’elle une bonne fois pour toutes, elle est jetée dans une marmite d’huile bouillante. Le miracle arrive au bon moment ! Au lieu d’être ébouillantée, elle semble au contraire rafraîchie par le liquide en ébullition. Antonin s’approche pour constater de lui-même cette sorcellerie et c’est là qu’elle en profite pour lui asperger le visage d’huile chaude. Aveuglé, il la supplie de lui venir en aide. Pas rancunière pour un sou, elle accepte et lui rend immédiatement la vue. Antonin la libère mais elle sera de nouveau emprisonnée puis décapitée sous le règne de Marc Aurèle. 

En souvenir de la guérison miraculeuse de l’empereur Antonin, elle est depuis la Sainte protectrice des yeux. 

La Sainte Parascève est célébrée le 26 juillet dans les nombreux villages Grecs qui portent son nom, notamment celui qui se trouve dans la banlieue nord d’Athènes ou sur l’île d’Amorgos dans les Cyclades. Grandes tablées, processions et danses traditionnelles sont au programme !

* on me glisse à l’oreille que, comme beaucoup d’entre vous, elle profite du confinement pour faire le tri dans 19 siècles de tamatas reçus. 

Je vous souhaite à tous d’être protégé.e.s par
tous les Saints et les Saintes du monde !

Un tama maison pour finir me semble approprié 
😉

Confiné.e.s dans l’huile – Épisode 1

Nous y voilà ! À l’image du Minotaure dans son labyrinthe, nous sommes toutes et tous enfermé.e.s chez nous, avec notre attestation sur l’honneur comme fil d’Ariane.

Pour commencer, retournons au commencement, au temps que les moins de 5 siècles avant JC ne peuvent pas connaître : l’antiquité grecque avec l’histoire (huilée forcément) de la fondation d’Athènes ainsi qu’un petit jeu. 

Mythologies de l’olivier

La fondation d’Athènes 

Athéna contre Poséidon
Noël Hallé, 1748
Musée du Louvre

Sous le règne de Cécrops le terrible roi-serpent, premier souverain légendaire d’Attique et fondateur d’Athènes, deux divinités de l’Olympe se disputent pour devenir la marraine ou le parrain de cette nouvelle cité promise à devenir la plus prospère et la plus puissante de toutes : Athena, déesse de la sagesse, de la raison et de la stratégie guerrière, affronte Poséïdon, dieu des mers.

Poséïdon se présente en premier et frappant le rocher de son trident fit apparaitre un magnifique cheval*. Athena, quant à elle, fit naître de la terre un bel olivier. 

Plus plusieurs versions du mythes co-existent :

  • La version « c’est ma ville, c’est moi qui choisit » 

Cécrops choisit Athena, dont le présent est le plus utile. Simple, basique.

  • La version « et à  la fin, c’est les hommes qui gagnent »

Selon la variante de Varron, Cécrops soumet le choix à une assemblée mixte. Les femmes votent en faveur d’Athena et les hommes de Poséïdon. Les femmes, plus nombreuses d’une voix, font pencher la balance en faveur d’Athena. Furieux, Poséïdon submerge l’Attique sous les flots. Pour apaiser sa colère, les Athéniens doivent imposer aux femmes trois punitions : les femmes n’auront plus le droit de vote, aucun enfant ne portera le nom de sa mère et les femmes ne seront plus appelées Athéniennes**.

  • La version « c’est pas pour rien que l’expression jeune et con existe »

La foule pousse en avant un aîné pour affirmer que les deux cadeaux étaient dignes d’être choisis, et précisant : le cheval représente la force, le courage, la guerre, alors que l’olivier symbolise la prudence, la sérénité et la paix. Le vieillard en question avança que la guerre pouvait apporter richesses et pouvoir, mais qu’il était incertain. Par contre, la paix apportait des biens moins beaux et originaux, mais ils étaient plus sûrs et plus durables. Tous approuvèrent et choisirent le don d’Athena, qui donna finalement son nom à la ville. 

Mais comme on est jamais trop prudents, les citoyens promirent à Poséïdon de lui élever un temple malgré tout et s’engagèrent à lui apporter des offrandes dans l’espoir de garder sa faveur.

*Une version alternative veut qu’une source d’eau salée en jaillit (“l’eau est là” dirait Kirikou qui a fait aussi bien même si, lui, il était tout petit)
** Une version votée par un membre de l’académie des Césars, probablement.

Objets mythologiques en bois d’olivier 

Un jeu à faire en famille ! 

 Devinez ce que sont ces objets aux propriétés aussi magiques qu’un filet d’huile sur un fromage de chèvre et associez les avec les définitions ci-dessous :

A. Heracles, demi-dieu fils de Zeus et d’Alcmène, est presque toujours représenté avec sa mythique massue taillée dans une grosse branche d’olivier sauvage, dont le bois est lourd et serré. 


B. Dans l’Odyssée d’Homère, le pieu avec lequel Ulysse crève l’œil du cyclope Polyphème est taillé dans un olivier, symbole de sagesse et de force.


C. Couple mythique s’il en est, Pénélope et Ulysse fondent leur amour sur la mémoire et la volonté. La reconnaissance des deux époux a lieu grâce à un acte de mémoire, un signe secret : le lit conjugal que seuls eux deux savent construit sur un tronc d’olivier. 


D. Les Grecs récompensaient les héros des Jeux olympiques antiques par des branches d’olivier et des jarres d’huile d’olive. Mieux qu’une médaille non ?


RÉPONSES : 

1-D, 2-A, 3-B, 4-C

Je vous souhaite à tous d’être protégé.es par Hygie, déesse de la santé, de profiter de ce confinement pour passer de doux moments avec Morphée, dieu des rêves et de laisser à votre porte Éris, déesse de la discorde

Manon

L’huile de la paix

Divisée par un conflit qui dure depuis plus de 45 ans, l’île de Chypre à l’extrême Est de la Méditerranée est coupée en deux.

Petit rappel des épisodes précédents :

1974 : Des nationalistes chypriotes grecs, soutenus par les colonels Grecs, tente un coup d’État pour rattacher l’île à la Grèce. La Turquie réplique militairement et occupe militairement le Nord de l’île sous prétexte de protéger la minorité chypriote turque. Ce conflit fait 3 000 morts et laisse Chypre divisée en deux État indépendants.

1983 : La Turquie est le seul pays à reconnaître la “République turque de Chypre du Nord” qui entérine la partition de l’île.

2003 : Les échanges de marchandises entre le Nord et le Sud sont rétablis.

2004 : L’ONU organise un référendum pour la réunification de l’île. Il est largement approuvé par les Chypriotes turcs (près de 65 %) mais rejeté par les Chypriotes grecs (à plus de 75 %).

2004 : La partie Sud de l’île rentre seule dans l’Union Européenne.

Hasan et Alexandros dans leurs oliviers

Si la situation semble  bloquée diplomatiquement, tout espoir de réconciliation n’est pas perdu. La preuve, deux jeunes producteurs, Hasan Siber, Chypriote-turc, et Alexandros Philippides, Chypriote-grec, ont décidé de lancer ensemble Coliveoil, l’une des rares start-up bicommunautaires de l’île. Ils vendent une huile dont les olives ont été récoltées dans l’ensemble de l’île.

Pour en apprendre plus sur cette “huile de la paix”, je vous recommande de lire l’article qui lui est consacré dans le magazine Good Planet.

Schoïnopentaxophile et autres curiosités étymologiques

Le 9 février nous fêtons la langue grecque et pour rendre hommage à cette langue magnifique voici l’étymologie de mon top 5 des mots français dérivés du grec :


5 . Bostrychomancie
Définition : Divination par l’observation des boucles de cheveux d’un jeune enfant, de leur mouvement au vent et de leur disposition
Composé de βόστρυχος / bóstrukhos « boucle de cheveux » et  μαντεία / manteía « divination »

4. Schoïnopentaxophile
Définition : Collectionneur de cordes destinées à la pendaison 
Composé de σχοῖνος / skhoinos  « corde », πενταξός / pentaxos « quintuple » et φίλος / philos « amateur »

3. Paraskevidékatriaphobie 
Vous avez deviné sa signification ?… Toujours pas ? Alors un petit rébus pour vous aider :

Définition : Phobie du Vendredi treize
Composé de Παρασκευή / paraskevi « vendredi », δεκατρείς / decatreis « treize » et φόϐος / phóbos « peur »

2. Abutyrotomofilogène
Définition : Qui n’a pas inventé le fil à couper le beurre
Composé de a- (privatif) βούτυρο / boútyron « beurre », τέμνειν / tomo « couper », fil, -o et  γένος / génos « race » de γίγνομαι / gígnomai « engendrer »

1. Tétratrichotomie
Définition : En langage xyloglotte (définition :  langue de bois composé de ξύλον / xúloν « bois » et γλῶττα / glôtta « langue »), c’est l’art qui consiste à couper les cheveux en quatre, néologisme inventé par Umberto Eco !
Composé du grec ancien τετρα- / tetra- « quatre », du latin capillus « cheveux », et du grec ancien ἐκτομή / ektomê « coupure »

Et vous, quels sont vos mots français à étymologie grecque préférés ?


Sa Saleté des mouches

Un hiver pluvieux, un printemps fleuri, un été sec : tout était réuni pour une récolte 2019/2020 optimale à la fin de l’automne. Malheureusement, un petit insecte aux ailes transparentes est venu, une fois de plus, gâcher la fête ! 

La mouche de l’olivier est devenue en une dizaine d’années l’ennemi public numéro un des oléiculteurs tout autour de la Méditerranée. Elle pond dans les olives pas encore mûres et peut, en quelques jours seulement, détruire une récolte entière. Une fois que l’olive a été touchée, elle tombe ou est abimée, ce qui nuit considérablement à la qualité de l’huile. 

Cette année, les attaques de mouches sont arrivées relativement tard, au cours du mois d’octobre et ce n’est qu’en récoltant très tôt que certains producteurs – dont le nôtre ! – ont pu sauver une grande partie de leur production. 

Si les dégâts liés au δάκος (nom grec de cette fameuse mouche) sont de plus en plus importants et réguliers, c’est – vous l’avez deviné – la faute au réchauffement climatique. Les étés secs suivis d’un automne relativement froid convenaient beaucoup mieux à la culture de l’olivier. Tandis que ces dernières années, les mois de septembre et octobre se suivent et se ressemblent : un temps estival et de légères précipitations. La combinaison chaleur et humidité, celle que préfère notre ennemi volant, perdure bien trop tard dans la saison, une fois que les olives sont déjà sur les arbres. 

La solution : récolter de plus en plus tôt. Mais c’est tout une économie locale qui doit se réinventer : ses deux piliers, l’olive et le tourisme, tendent à se superposer. D’autant plus que le tourisme vert, celui composé de randonneurs, arrive de plus en plus tard, les saisons touristiques terminant désormais au mois de novembre. Il faut aussi, est ce n’est pas une mince affaire, convaincre les moulins – ou plutôt les présidents de moulins, souvent âgés et très rétifs au changement – d’ouvrir plus tôt. Sans compter que les arômes de l’huile s’en trouvent modifiés. Cela donne une huile avec des notes un peu plus herbacées avec plus d’amertume. Un vrai choix de Sophie, je vous dis ! 

La Vasilopita / Η Βασιλόπιτα

Texte de l’association Phonie-Graphie que l’on remercie !

Les fêtes traditionnelles ont pour la plupart une origine paysanne, surtout dans une époque d’exode rural. Dans les campagnes, la « Vassilopita » se préparait à l’aube de la fête de Saint Basile c’est-à-dire le 1er janvier, le jour de l’An. En Grèce en effet c’est la Saint Basile (΄Αγιος Βασίλειος, Αï-Βασίλης) et non le Père-Noël qui apporte les étrennes aux enfants et qui donne son nom à la galette, la Vassilopita (Βασιλόπιτα). La tradition du pain festif se trouve déjà dans l’antiquité, culte de Déméter ou dédicace à d’autres dieux ou démons auxquels on l’offrait pour obtenir santé et puissance. De même, lors des Saturnales grecques ou romaines, une monnaie cachée dans un gâteau était signe de chance pour celui qui la trouvait et devenait le « roi de la fête » (Cf. Βασίλης-Βασιλιάς).

Les dates de fête de célébration des douze jours, de Noël à l’Epiphanie, sont très proches de celles de la période pré-chrétienne où les cieux de la chance s’ouvraient et où l’année changeait. Certes, les brioches paysannes consacrées au Christ et les petits pains en forme de couronnes que les bergers préparaient pour la Saint-Basile étaient déjà des porte-bonheur augurant santé et puissance pour la nouvelle année. Ils contenaient aussi une pièce de monnaie, signe de richesse pour celui qui la découvrait. La cérémonie elle-même avec son partage hiérarchique est peut-être venue avec les Croisés. On retrouve en effet des coutumes semblables chez les Français et les Belges dès le XIIIème siècle.

Outre son caractère de bon augure, la pièce de monnaie a également un sens magique et religieux comme l’or, l’argent et en général les couleurs brillantes qui conjurent de surcroît le mauvais sort. Dans la maison on la garde près des icônes.

Elle transmet sa qualité magique de fertilité et de bien-être au gâteau tout entier dont on lance des morceaux dans les champs et les vergers, tandis que les jeunes filles en placent sous leur oreiller pour voir en rêve leur futur fiancé.

Des récits concernant différentes provinces attestent d’une grande richesse cérémonielle. En Thrace orientale par exemple, où en plus de la pièce on joignait dans la pâte un grain de raisin, un grain de blé, un brin de paille pour les vaches, etc. Une autre explication issue des synaxaires, récits de la vie des saints, nous vient d’Asie Mineure. Alors que Saint Basile était évêque de la Césarée, le préfet de Cappadoce prit des mesures draconiennes pour percevoir les impôts. Epouvantés, les habitants rassemblèrent ce qu’ils avaient de plus précieux pour l’offrir au préfet. Radouci par ce geste, ce dernier refusa les présents et les invités s’en retournèrent tout joyeux. Mais comme il était difficile de restituer à chacun ses cadeaux dont beaucoup se ressemblaient, Saint Basile eut recours à une solution magique : il plaça les objets à l’intérieur de petits gâteaux qu’il distribua. Et – ô miracle – chacun retrouva ce qu’il avait offert.

Cette coutume de tirer les rois s’est répandue dans nombre de pays. Mais sans prendre l’ampleur qu’elle a en Grèce où, sortant du cadre familial, elle s’est étendue aux cercles socioprofessionnels.

Souhaitons qu’elle se maintienne et conserve son caractère populaire et traditionnel.

Du sucre plein les doigts

Les kourabiedes sont des biscuits préparés pour Noël à base de beurre, de farine, d’amandes et… beaucoup de sucre glace. 

Ils sont inspirés d’un gâteau truc, le kurabiye à base d’amande. Une preuve de plus que la culture du sucrée en Grèce doit beaucoup à leurs voisins-ennemis ottomans (comment vivrait-on sans baklava ?!). Devenus les biscuits traditionnels de Noël, ils sont souvent en forme de croissant et un clou de girofle peut être ajouté sur le dessus. Il représente le don des épices fait par les Rois Mages à Bethléem. 

En voici la recette :

INGREDIENTS

  • 500 g de beurre de brebis (à température ambiante) – ou de beurre de vache si vous n’en trouvez pas
  • 200 g d’amandes, émondées et grillées
  • 300 g de sucre glace
  • 650 g de farine
  • 30 ml de brandy (que l’on peut remplacer par du rhum ou de l’ouzo)
  • ½ cuillère à café d’essence de vanille

Pour le glaçage

  • 2 cuillères à soupe d’eau de fleur d’oranger (ou d’eau de rose)
  • 300 g de sucre glace

INSTRUCTIONS

  1. Blanchir, puis griller les amandes dans un four préchauffé à 180 degrés, pendant environ 20 minutes. Laisser refroidir, puis couper grossièrement en petits morceaux.
  2. Tamiser le sucre. Puis tamiser la farine séparément.
  3. Battre le beurre avec le sucre glace à vitesse lente jusqu’à incorporation, puis battre à vitesse rapide pendant dix minutes jusqu’à ce que le mélange devienne blanc et mousseux. Ajouter le brandy et la vanille et mélanger.
  4. Arrêter le mélangeur. Changer le crochet et attacher le crochet à pâte. Ajouter les amandes et continuer de mélanger. Ajouter la farine progressivement jusqu’à ce que la pâte soit molle mais non collante aux mains.
  5. Vous pouvez utiliser un emporte-pièce ou façonner les biscuits à la main en boules rondes ou croissants et les placer espacées, sur une plaque de cuisson recouverte de papier sulfurisé.
  6. Cuire au four pendant environ 12 minutes, selon votre four. Ils seront un peu mous, mais se raffermiront une fois refroidis.
  7. Retirer du four et laisser refroidir.
  8. A l’aide d’un pulvérisateur, vaporiser avec de l’eau de rose ou de fleur d’oranger sur les deux côtés des biscuits.
  9. Retourner les biscuits sur une surface sèche et en utilisant un tamis, saupoudrer de sucre glace. Retourner les biscuits à nouveau et continuer à saupoudrer jusqu’à ce qu’ils soient entièrement recouverts.

L’huile d’olive, le nouveau quinoa ?

Quand la loi du marché prive les consommateurs et appauvrit les producteurs.

Il y a quelques années, on apprenait que la mode du quinoa chez les consommateurs bobos avait créé une hausse des prix insoutenable pour les consommateurs péruviens pour qui cette céréale était l’aliment de base depuis des siècles. Cette situation ubuesque où les habitants ne peuvent plus se permettre de consommer leur propre production est malheureusement loin d’être unique. Le Mexique en a aussi fait l’expérience avec ses avocats et nous découvrons désormais que c’est le tour des pays du sud de la Méditerranée avec… l’huile d’olive !

Quelques indices :

  • Le 4 novembre, le ministre du commerce tunisien a fixé la marge bénéficiaire pour la revente d’huile d’olive à 15% pour tenter de lutter contre l’inflation des prix. 
  • Le 14 novembre, la consommation d’huile d’olive en Algérie est tombée de 7 litres en 2010 à 1,5 litre par an par habitant cette année. La raison ? Des prix de vente trop élevés.

Acclamée en raison de ses vertus pour la santé, la consommation d’huile d’olive dans le monde (riche) a été multipliée par deux en 25 ans. Une croissance de la demande qui s’accompagne d’une montée des prix : la célèbre loi de l’offre et de la demande en somme.

Récolte au Maroc, 2016

Les producteurs sont-ils devenus riches au moins ? Hélas non !

Malheureusement, ce n’est pas si simple. Si le prix de vente aux consommateurs, en Tunisie comme en France, augmente, cela ne veut pas dire que les producteurs ont été mieux rémunérés.

Ce sont les quantités produites à l’échelle mondiale bien plus que la demande finale des consommateurs qui dictent les fluctuations du prix du kilo d’huile à la coopérative. Par conséquent, au lieu d’augmenter, les prix sont très volatiles et rémunèrent toujours moins bien les producteurs.

En Tunisie par exemple, l’huile vierge extra s’échangeait moins de 3,50€ le kilo ces dernières semaines, soit près de 20% de moins que l’année dernière.

Les producteurs doivent aussi faire face à de nouveaux défis. Avec le réchauffement climatique, les fluctuations du climat sont plus fortes que jamais.

Plus anecdotique mais pas moins inquiétant, dans certaines régions de Tunisie, les producteurs font appel aux services d’agents de sécurité armés pour garder les oliveraies et ne pas risquer d’avoir leurs olives volées pendant la nuit ! Une charge financière de plus à ajouter à la main d’oeuvre pour la récolte, au matériel, à l’eau…

Récolte en Tunisie, 2018

En Grèce, la situation financière est encore plus dramatique. L’année dernière, en raison de l’absence de pluie, la production a baissé de 30% et pour couronner le malheur des producteurs, les prix à la coopérative ont été particulièrement bas, descendant jusqu’à 2,50€ le litre.

Mais dans ce cas, pourquoi le prix de vente, lui, augmente-t-il même dans les pays producteurs ?

Dans les pays du Maghreb comme partout en Méditerranée, les producteurs ne sont pas maîtres de leur destin car ils vendent leur huile aux coopératives locales qui, à leur tour, se tournent vers des négociants qui revendent aux géants de l’agro-alimentaire. La Tunisie exporte plus de 80% de son huile, le marché extérieur étant considéré comme bien plus juteux que son marché intérieur. Logiquement les prix pour le peu d’huile qui reste en Tunisie montent en flèche.

Ajoutez à cela l’effet de change entre le dinar et l’euro et on ne sera pas étonné de constater que le prix de l’huile d’olive a plus que doublé en cinq ans en Tunisie.

Récolte en Grèce, octobre 2019

Les Grecs semblent eux encore épargnée par cette cruelle loi de l’offre et de la demande et la Grèce reste le premier consommateur mondial d’huile d’olive. La raison principale étant l’attachement des Grecs à leurs oliviers. La production grecque demeure morcelée, chaque famille produisant son huile : une partie se retrouve sous l’évier de la cuisine, dans des gros bidons de cinq litres, et le surplus est vendu à la coopérative locale.

On m’a souvent dit qu’un Grec préfère vendre sa maison que ses oliviers.

Même s’ils ne rapportent rien, les oliviers restent dans la famille. L’avantage, c’est que personne ou presque n’achète son huile ! Le terrible désavantage c’est que le rapport de force entre des micro-producteurs et des géants de l’agro-alimentaire est trop inégal.

Alors que faire ?

Si Cuba a trouvé une solution radicale avec son système à deux monnaies, celle des touristes et celle des locaux, il semble peu probable qu’un pays méditerranéen s’y convertisse de si tôt.

En tant de consommateur, on peut s’attacher à privilégier les filières courtes, celles qui rémunèrent les producteurs au juste prix. Le développement de ces filières alternatives permet de faire retomber la pression financière de cette économie globalisée où une grosse tempête en Andalousie a un impact sur les prix à l’Est de la Crète. Car les filières courtes sont aussi celles qui n’imposent pas leurs prix aux producteurs et qui ne renégocient pas chaque année.

Le fait que vous soyez en train de lire cet article me laisse penser que vous êtes en très bon chemin ! Car ces réflexions sont justement à l’origine du projet Adravasti. Depuis le début, la politique d’achat est transparente : 5,50€ pour l’huile et sa mise en bidon vont dans la poche du producteur. Ce prix est le même les bonnes et les mauvaises années. Il permet par exemple à Manolis de continuer à embaucher des travailleurs, même après une récolte modeste.

Si vous voulez continuer la discussion, partager votre expérience, n’hésitez pas à m’écrire à manon@adravasti.fr, je publierai vos témoignages à la suite de cet article !

La récolte (à la main)

Il y a quelques jours, accompagnés d’amis, j’ai récolté à la main un champ de 35 oliviers dans le village de Chochlakies (Χοχλακιες) pour en faire des olives de tables.

Pour bien faire, il ne faut prendre que les olives bien mûres et non piquées par la terrible mouche de l’olivier, la tristement célèbre δάκος

Un champ familial, dont les arbres qui avaient été taillés en février dernier étaient prêts à être récoltés dès le début du mois d’octobre. Tout juste taillés, les arbres avaient peu de branches secondaires donc peu d’olives. Et comme chacune d’entre elles avait reçu beaucoup d’eau, elles sont arrivés à maturité de façon précoce.

Pourtant, impossible de les récolter pour en faire de l’huile : toutes les coopératives des alentours étaient fermées.

Le timing de la récolte est une décision cruciale qui peut parfois échapper aux producteurs quand les coopératives locales prennent la décision de n’ouvrir leurs moulins que fin octobre. C’est ce qui m’est arrivé la semaine dernière.

Pour ne pas les gâcher, nous avons décidé, une fois n’est pas coutume, de faire une petite récolte à la main. L’intérêt ? Ne pas avoir à installer les filets ! Travail bien plus physique et contraignant qu’il n’y parait. Idéal quand les oliviers ne sont pas très chargés mais dont on ne veut pas laisser la production aux oiseaux.

Et comme les moulins étaient fermés, nous avons décidé d’en faire des olives de tables.

À l’Est de la Crète, les olives sont habituellement réservées à la production d’huile d’olive. La variété koroneiki produit de toutes petites olives avec un gros noyaux et peu de chair, pas terrible pour les olives de table mais parfait pour l’huile. Ceci étant dit, on les apprécie beaucoup à l’heure du mezze, d’autant plus quand elles sont préparées dans des saumures aromatisées au romarin, au thym ou à l’ail.

En une journée, nous avons récolté environ 4 grosses caisses d’olives.

Conservées dans des caisses en plastiques plutôt que dans les traditionnels sacs en toile de jute, les olives sont moins compressées et se conservent mieux en attendant d’être préparées ou d’aller au moulin.

Bilan de la journée : 35 oliviers passés au peigne fin, 4 pauses à l’ombre des oliviers à déguster les merveilleux spanakopitas de la boulangère de Pale Kastro et 4 caisses pleines d’olives.

Place à l’étape suivante : la préparation des olives (mais pour cela, il faudra attendre encore un peu !)

Après l’effort, le hamac