Confiné.e.s dans l’huile – Épisode 9

Peut on imaginer TF1 sans Nikos Aliagas ? Nous sommes d’accord, cela n’aurait aucun sens. Dans cet épisode 9, je vous explique pourquoi un monde sans Grec.que.s n’en aurait pas non plus.

Avec cinq millions de Grec.que.s hors des frontières nationales, soit la moitié de sa population, la Grèce est un grand, très grand pays d’émigration. Deux précisions avant de vous épater avec quelques histoires à vous faire danser le sirtaki.
New York, Boston, Chicago, Melbourne, Toronto, Londres et Los Angeles sont les principales villes d’accueil de la diaspora grecque. 

Symbole de la hype grecque et plaisir des yeux, Stefanos Tsitsipras

1. Les frontières n’ont rien à faire dans cette affaire

La nationalité hellénique se transmet par filiation, que vous soyez sur le sol grec ou pas. C’est très simple : Est Grecque toute personne dont l’un des parents au moins est Grec au moment de sa naissance. Grec.que.s de Smyrne, Grec.que.s d’Amérique ou Chypriotes grec.que.s, tous font donc partie de la famille. 

2. Une identité qui va au delà du passeport « ελληνικό » 

La langue, la musique, la danse et la nourriture bien entendu sont des marqueurs très forts qui unissent les Grec.que.s du monde entier. Rien à voir avec une simple question administrative. Reboosté par la victoire surprise de la Grèce à l’Euro 2004 et par la tenue des JO à Athènes la même année, le patriotisme grec a connu un retour de flamme au début du XXIème siècle. La crise économique, qui a obligé près de 500 000 jeunes Grec.que.s à quitter le pays a réactualisé ce lien.

Aujourd’hui, alors que la Grèce vit un moment de fierté grâce à une gestion de la crise sanitaire exemplaire, la diaspora s’en donne à coeur joie pour laisser éclater, non sans ironie, un chauvinisme plutôt bruyant. Bref, être Grec.que n’a jamais été aussi cool.

Aujourd’hui, mieux encore qu’une virée rue de la Huchette à Paris, on discute diaspora grecque du New Jersey à Melbourne, en passant par Paris ! 

Start-up nation

Comme toutes les histoires de migrants, celle-ci commence avec le travail. Si l’immigration grecque du XIXème et début XXème, majoritairement masculine, est d’abord venue prêter main forte aux jeunes industries américaines et australiennes, très vite les Grec.que.s ont fait preuve de trésors d’inventivité pour gagner leur place au soleil. 

Les Milk bar de Melbourne

Une famille Grecque qui vend des milkshakes au Sud de Melbourne, cela vous semble curieux ? C’est pourtant l’histoire des milliers de Milk bars qui ont fait la fortune des Grec.que.s d’Australie dans les années 1960 !

Ce n’est qu’après la Seconde Guerre Mondiale que les Grec.que.s arrivent massivement en Australie grâce à l’accord de 1952 qui facilite leur arrivée. Si certain.e.s viennent directement de Grèce, d’autres ont fait escale dans une autre grande terre d’accueil : les États-Unis d’Amérique. Un tour du monde fructueux car c’est l’origine de l’idée de génie qui va leur permettre de faire oublier leur accent. Plutôt que de servir des souvlaki et de la moussaka, toute la famille est sur le pont pour vendre crèmes glacées, milkshakes, hamburgers, sodas et cigarettes. Et comme décors, on s’approprie le glamour d’Hollywood avec des intérieurs art deco, de grands miroirs et des comptoirs chromés. Ouverts 7/7 et jusque tard le soir, les Milk bars sont des lieux accueillant toutes les bourses où le service est rapide et chaleureux. 

Référence : Greek Cafes & Milk Bars of Australia, de Effy Alexakis et Leonard Janiszewski

Les diner americains

Des colonnades, une statue bien kitch style greco-romain à l’entrée et un nom, comme Olympia cafe ou Odyssey diner, aux accents helléniques ? Autant d’indices que vous êtes devant un diner (on prononce “dayneur”) américain fondé par nul autre qu’un ou une Grec.que ! 

La grande vague d’immigration des années 1950 coïncide avec le développement des diner aux États-Unis, ces restaurants en service continu où l’on peut commander des pancakes en plein après-midi et se faire resservir du café toutes les dix minutes. Ce sont dans ces restaurants que les premiers arrivants grecs vont trouver du travail, plutôt à la plonge qu’à la caisse d’ailleurs. Mais peu à peu, les opportunités se présentent car l’immigration grecque possède justement toutes les qualités pour faire tourner ces établissements. La culture du restaurant familial coule dans leurs veines ! Loin des chaînes où le profit de chaque plat est maximisé, ils et elles savent qu’un restaurant tourne grâce aux habitué.e.s. C’est ce qui fera le succès des milliers de diners « grecs ». 

Les gyros… partout

Pourquoi faire compliqué quand on connait la recette ? Emprunté aux frères-ennemis Turcs qui l’ont rendue célèbre à Berlin au début des années 1970, la broche qui tourne demeure la porte d’entrée pour tous les restos grecs du monde aujourd’hui.

Une pensée à mon cousin Alexis avec qui, à l’âge de 13 ans, nous mangions, tous les soirs, deux gyros chacun,  απ’ολα (pour moi) et χωρις τζατζικι (pour lui) pendant de longues vacances de février à Sitia.

Le quatre à la suite : Grecque ou pas grec ?

À cause de leurs patronymes souvent très identifiables pour ne pas dire encombrant*, une ascendance grecque n’est pas facile à camoufler. Cependant, les Grec.que.s de la diaspora, 1ère, 2ème ou 3ème génération se cachent partout, jusque dans les plus hautes sphères.

Serez-vous reconnaître ces vedettes qui ont fait la gloire de la communauté hellénique d’ici et d’ailleurs ?

#1

Fille de l’acteur Crétois John Anastassakis et de l’actrice Nancy Dow, je passe un an en Grèce avant mes 6 ans. J’enchaîne les petits rôles pour la télévision au début des années 90 avant de connaître le succès avec une série désormais cultissime de NBC. J’y joue le rôle d’une serveuse devenue executive women chez Ralf Lauren, mon histoire d’amour tumultueuse avec Rossmarquera éternellement les coeurs. Après Friends, je joue dans de nombreuses comédies sur grand écran. Je suis, je suis… 
 

#2

Ma mère, une Grecque de Sparte, épouse mon père, immigré de la deuxième génération dans les années 1960 et je nais à Washington en 1971. A l’âge de 7 ans, ma famille déménage en Californie ce qui me permettra de profiter du temps clément pour passer tout mon temps sur les courts, une raquette à la main. Je mets un terme à ma carrière sportive en 2002, en battant Angré Agassi en finale de l’US Open. Légende du tennis, j’ai gagné quatorze Grands Chelem dont sept Wimbledon. Surnommé « Pistol Pete », je suis, je suis…

#3

C’est ma mère Litsa, qui me pousse vers la musique et c’est elle qui me contraint à chanter durant toute mon enfance, voulant faire de moi une enfant star.  En 1937, à l’âge de quatorze ans, je quitte les États-Unis pour rentrer en Grèce. Je passe deux ans au conservatoire national d’Athènes où je découvre tout le potentiel de ma voix de soprano. La suite appartient à la légende… Je chante La Gioconda de Ponchielli aux arènes de Vérone en 1947 puis à la Scala de Milan et très vite dans toutes les plus grandes salles de spectacle du monde. Je suis la cantatrice la plus célèbre du XXème siècle, je suis, je suis…
 

#4
 

Né en Anatolie au début du XXème siècle, ma famille immigre aux États-Unis en 1913. Nous nous installons dans un premier temps dans le quartier grec de Harlem où mon père, Yorgos Kazantzoglou, devient marchand de tapis. Je raconte mon enfance et mon rêve américain dans mon autobiographie America America que j’adapte aussi au cinéma. Je réalise de nombreux films à partir des années 1940 dont Un tramway nommé Désir avec Marlon Brando et à L’est de l’Eden avec James Dean. Stanley Kubrick a dit de moi que je suis « sans aucun doute, le plus grand réalisateur que nous ayons aux Etats-Unis », je suis, je suis… 

#5

Je suis née en Crète à Chania en 1934 et dès l’âge de 6 ans, mon timbre de voix unique est remarqué. Je m’installe à Paris en 1960 et je représente le Luxembourg au concours de l’Eurovision en 1963 avec la chanson À force de prier. Avec mon ami Michel Legrand, j’enregistre la bande originale du film Les parapluies de Cherbourg. L’album Le Jour où la colombe de 1967 fait de moi une star en France et mon plus grand succès est probablement Je chante avec toi Liberté. Reconnaissable entre mille grâce à mes grandes lunettes noires**, je suis, je suis…

 

#6

Grec d’adoption, je compense mon absence de sang grec par mon engagement fidèle à la culture hellène ainsi qu’à l’église orthodoxe. Je m’y marie en 1988 avec l’actrice d’origine grecque Rita Wilson et je passe, depuis, toutes mes vacances sur l’île d’Antiparos. Le président Grec Pavlòpoulos fait de moi un citoyen d’honneur en décembre 2019. On me surnomme « the nicest guy in Hollywood » et je cumule à moi seul plus de 9 milliards de dollars de box office avec mes 45 films. Deux fois oscarisé grâce à mes performances dans Philadelphia et Forrest Gump. Je suis, je suis… 

*Papadopoulos, c’est rarement suédois 
** le grand-père de la signataire de cette lettre me considère comme la plus belle femme du monde

LES RÉPONSES !!

Jennifer Aniston, Pete Sampras, Maria Callas, Elia Kazan, Nana Mouskouri, Tom Hanks (eh oui !)

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