C’est pas la petite bête qui va manger la grosse

Pour vous changer les idées, aujourd’hui, je vous parle d’épidémie, de maladie et de contagion. 

Sachant que nous sommes tous, plus ou moins, devenu.e.s épidémiologistes ces derniers mois, vous avez désormais toutes les connaissances à votre disposition pour comprendre, dans sa subtilité, le sujet du jour : la bactérie tueuse d’olivier. 

Ne vous fiez pas à son nom de danseuse de flamenco. La xylella fastidiosa interdit à la plante qu’elle envahit de s’alimenter en bloquant la sève pour asphyxier l’arbre de l’intérieur. Plus problématique encore, ses symptômes n’ont rien de très distinctifs – branches flétries et feuilles brûlées – ce qui la rend difficile à détecter rapidement. 

Comment se transmet-elle ? Le masque est-il obligatoire dans l’oliveraie ?

Le premier facteur de propagation a été l’exportation de plants contaminés. Sacrée mondialisation. Au niveau local, sa diffusion est principalement portée par un insecte piqueur-suceur, la cicadelle. Les outils de taille qui provoquent des blessures peuvent aussi transmettre la maladie. Et pour les amateurs de théories du complot, une rumeur raconte que la mafia des Pouilles l’aurait implantée pour construire des hôtels sur les champs d’oliviers décimés. Son nom ? Sacra Corona Unita. Oui, CORONA. Ça ne s’invente pas. 

Cette bactérie n’est pas une inconnue. Elle avait fait des dégâts dans les vignobles californiens à la fin du XIXème siècle ainsi que dans les plantations d’agrumes au Brésil dans les années 1980. Mais c’est ici, en Europe, qu’elle est devenue célèbre. En Italie, au sud des Pouilles plus précisément, où elle a décimé des millions d’oliviers, laissant derrière elle des champs entiers brûlés. Des paysages qui évoquent plus La Route de Cormac McCarthy que le pays de Cocagne. Depuis, elle s’est exportée en Espagne, au Portugal et jusqu’en France où elle a été aperçue en Corse et dans les Alpes-Maritimes. 

Désolation à Surano, au sud des Pouilles dans le talon de l’Italie

L’Italie a été le premier pays européen touché en 2013, superbement ignorée par ses voisins. « Ça ne viendra pas jusque chez nous », pensaient-ils. Toute ressemblance avec l’actualité sanitaire récente est purement fortuite. Une fois répandue dans les oliveraies espagnoles et françaises, les spécialistes de tous pays se sont empressés de critiquer la gestion italienne de l’épidémie. Il aurait fallu, nous disent-ils, tout raser sans attendre, mettre en quarantaine les arbres malades. Mais peut-on les blâmer les de n’avoir pu se résoudre à couper des oliviers vieux, parfois, de plusieurs milliers d’années ?

D’autres solutions, moins radicales, deviennent souvent de fausses bonnes idées. Les antibiotiques qui luttent contre les cicadelles, ces insectes suceurs de sèves qui transmettent la bactérie, donnent, à court terme, des résultats mais des phénomènes de résistance peuvent se développer ce qui serait dramatique à long terme. Aussi, les insecticides utilisés pour lutter contre la cicadelle ne se contentent pas de la tuer, ils emportent avec eux une multitude d’insectes qui avaient tous un rôle à jouer dans l’environnement de l’arbre, le laissant, en définitive, encore plus démuni. 

Est-ce la première fois que nous avons affaire à une telle bactérie ?

Pas besoin de remonter aux sauterelles de l’Ancien Testament pour rencontrer des histoires de calamités causées par des indésirables. D’ailleurs, vous vous souvenez de Charles Baltet dont je vous parlais dans ma lettre sur la greffe ? Ce pépiniériste du XIXème auteur de L’art de greffer, a en son temps triomphé d’un fléau qui ravageait le vignoble français. En 1866, près de la moitié des vignes sont dévastées par le moucheron phylloxéra. La production s’effondre avec des conséquences économiques (et psychologiques) immenses. Sans doute intimement touché par le sujet, Charles-Appolinaire de son prénom, décide de s’investir corps et âme dans la lutte contre la bactérie. Pour les sauver, il greffe les vignes françaises attaquées avec des cépages américains résistants. D’où le dicton : « tous greffés dès huit heures, soutien aux viticulteurs ». 

D’ailleurs, cette solution est actuellement regardée de près dans la lutte contre xylella car certaines variétés d’oliviers, telles que la Leccino ou la Favolosa, sont beaucoup moins sensibles à la bactérie tueuse. Des agronomes italiens explorent cette hypothèse en inoculant la bactérie à de jeunes oliviers pour déterminer quelle variété lui résiste le mieux. 

Avec cependant une différence de taille entre vignes et oliviers : les premières sont, quoiqu’il en soit, arrachées tous les soixante-dix ou quatre-vingt ans, tandis qu’un olivier peut continuer à produire des olives pendant mille ou même deux mille ans.  Arracher un arbre ou le couper pour le greffer est donc vécu –  à raison ! – comme une abomination. C’est pour cette raison que la bactérie fait parler d’elle majoritairement pour ses dégâts dans les oliviers et non dans les vignes, citronniers ou amandiers également touchés. 

N’y a-t-il donc aucune solution ?


Bien que l’arrachage et la destruction systématique des plants contaminés soit toujours préconisée par l’UE, des pistes intéressantes sont à l’étude. Une d’elles concerne les champignons qui pourraient s’attaquer à la bactérie. La complexité du sujet réside dans le fait qu’un arbre est un écosystème au sein duquel des milliers de bactéries, champignons ou insectes cohabitent, chacun.e réalisant dans son coin une petite tâche et contribuant, chacun.e à leur façon, au grand cycle de la vie. C’est peut être un détail pour vous, mais pour l’arbre ça veut dire beaucoup.

Alors gardons le moral et quant à votre huile d’olive, rassurez-vous, comme pour le Covid, la Grèce, et a fortiori la Crète, a été (pour le moment) totalement épargnée. Espérons que d’ici l’arrivée de xyllela, on aura un vaccin, enfin je veux dire un traitement efficace ! 

Merci à Patrick, parrain d’un de nos oliviers, d’avoir suggéré cet article !

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