Avec ou sans filtre ?

La récolte achevée, l’heure est au repos ! Pour les travailleuses et travailleurs mais aussi pour l’huile nouvelle, qui patiente dans une grande cuve en inox. Et avant d’être embouteillée, elle passe par une étape plus importante qu’il n’y paraît : le filtrage.
L’huile non filtrée possède un aspect trouble que vous avez peut-être déjà observé. Sa turbidité et le petit dépôt qui se forme parfois évoque une culture naturelle, authentique. Avant de vous laisser charmer par sa rusticité, laissez-moi vous en dire un peu plus.
Avec Manolis, le producteur, notre choix est de filtrer l’huile avant de la mettre en bidon. Et nous avons de bonnes raisons pour le faire !


La turbidité de l’huile non filtrée est créée par la présence d’éléments qui n’ont pas eu le temps de redescendre pendant la phase de repos : de la pulpe d’olive, des restes de noyau et un peu d’eau qui se trouvait dans le fruit.
Mais il faut se méfier de l’eau qui dort, encore plus quand elle dort dans notre huile chérie. L’eau fait augmenter l’acidité de l’huile. Or, ce taux d’acide oléique qui détermine si une huile peut obtenir la mention « vierge extra » doit rester le plus bas possible. Pour les restes de noyaux, s’ils passent inaperçus la plupart du temps, ils peuvent de temps en temps fermenter et dégrader l’huile qui développe alors des défauts. Hormis ces défauts organoleptiques qu’il prévient, le filtrage n’a aucun impact sur les arômes d’une huile.
Enfin, filtrer permet de protéger les machines d’embouteillement qui pourraient s’enrayer. Cela peut paraître anecdotique mais comme nous avons la chance d’embouteiller « à la maison », c’est à dire chez Manolis qui stocke l’huile dans son atelier, les machines utilisées pour la mise en bidon sont efficaces mais sommaires. Nous les traitons donc avec grande précaution pour continuer de les utiliser très longtemps !


Dans ce cas, pourquoi trouve-t-on de l’huile non filtrée ? Chaque cas est différent mais la mode de l’huile non filtrée ces dernières années semble surtout reposer sur l’aspect « naturel » d’une huile trouble. Bref un argument purement marketing . De plus, un peu d’huile est retenue dans l’appareil de filtrage, ce qui constitue un manque à gagner pour les producteurs et productrices. Tous les arguments à l’encontre du filtrage ne sont pas fallacieux pour autant. J’ai rencontré un producteur par exemple qui avait à coeur d’optimiser les qualités nutritionnelles de l’huile car il est vrai que certains anti-oxydants de l’huile voient leur teneur diminuer après filtrage. Enfin, certains « tout petits » producteurs n’ont, tout simplement, pas accès à des machines de filtrage. |
C’est décidé, on filtre. Mais comment ? Nous utilisons une machine à plaques de cellulose, ce matériau qui compose le coton à 99%. Ici, il a une texture plus dense, plus caoutchouteuse. L’huile passe à travers et y dépose les petites particules non désirées. Comme on le voit ci-dessous, l’huile non filtrée y entre par la droite et ressort translucide par la gauche. |



Attention, le filtrage est loin d’être le facteur principal qui détermine la qualité d’une huile. La variété des oliviers, leur âge, la quantité d’eau qu’on leur aura donnée ou le moment choisi pour récolter ont, par exemple, une influence bien supérieure sur la qualité des arômes. Mais j’aime à penser que ce sont les petits questionnements qui font les grandes huiles !