Arroser ou ne pas arroser, telle est la question

Une amie productrice d’huile d’olive au Sud de l’Andalousie remarquait après des vacances en Crète l’omniprésence des tuyaux d’arrosages aux pieds de nos oliviers – quand ce n’est pas à leur sommet comme sur la photo si dessous ! Je m’étonnais de ce constat car, n’ayant la Crète comme unique référence oléicole, j’avais pris pour acquis l’habitude d’installer ces gros tuyaux noirs pas très harmonieux. Un champs sans tuyaux, donc sans eau, était dans mon esprit un champs non entretenu, dont on ne pouvait espérer obtenir une récolte. Quelle n’était pas ma surprise de m’apercevoir que dans le monde méditerranéen de l’olive, en Espagne, en Tunisie ou même Grèce continentale, tous et toutes ne partagent pas la passion des Crétois.e.s pour l’arrosage.


Sur le sujet, dans la région, plusieurs thèses s’affrontent (et encore, je ne vous présente que celles venant de personnes raisonnables !) :
La première soutient que les oliviers ont depuis des millénaires nourris de leurs fruits les hommes et les femmes, sans avoir besoin d’ajouter de l’eau. Il faut donc les déshabituer et tout ira bien.
La seconde affirme que terroir crétois et la variété koroneiki, sans même parler du réchauffement climatique, ne permettent pas de priver purement et simplement les arbres d’eau. Un olivier habitué à recevoir de l’eau dès les premiers mois de sa vie ne fournira pas l’effort nécessaire pour s’enraciner profondément et pouvoir puiser l’eau des nappes les plus souterraines. Il n’aura donc aucune chance de prospérer si on ne lui ouvre pas les vannes de temps en temps.
Mais ce qui est bien avec l’agriculture, c’est que c’est l’art du réel. Alors les théories, c’est super mais que fait-on en pratique ?!



La plupart des producteurs en bio, soucieux de l’environnement, dont Manolis qui produit l’huile dont vous vous délectez, décident de continuer à arroser, mais le moins possible. En fonction de la pluviométrie, les arbres sont irrigués quelques fois au printemps et plus du tout à partir du mois d’aout. Et des années exceptionnellement pluvieuses comme 2019 nous ont même permis de nous contenter de l’eau dont la nature nous a fait don.
Cette gestion très précautionneuse de cette ressource vitale, même quand cela signifie obtenir moins d’olives et moins d’huile, est cruciale dans cette région de l’Est de la Crète où la sécheresse menace constamment. Ne plus arroser dès que le fruit se forme au cours de l’été, permet aussi de ne pas gorger les olives d’eau, ce qui risquerait de diluer les arômes. Une fois de plus, la nature et nos papilles ont trouvé un compromis plutôt satisfaisant !
