La fin du voyage

C’est le cœur un peu lourd que je vous annonce aujourd’hui la fin d’Adravasti. Dans cette lettre, je vais vous raconter les étapes de ce beau voyage, jusqu’à sa fin, et vous parler de la suite (à commencer par le destockage le plus savoureux de l’année).
Novembre 2012. Je suis en stage en finance et je me dis qu’il y a quand même beaucoup de gris à La Défense. Avec mon ami Eliott, on rêve d’un plan de carrière un peu plus coloré. Et pourquoi pas “monter notre boîte” ? Je lui raconte la Crète, ses oliviers et son huile délicieuse. Mais j’ai 23 ans et bientôt un loyer à payer. Alors la vie avance et un an plus tard, je signe mon premier CDI.
« C’est dommage que tu n’aies pas lancé Adravasti, c’était une super idée ». Quand ma cousine Pauline relance le sujet à Noël 2014, je l’avais presque oublié. Un projet en plus, sans la pression de remplir le frigo, et pourquoi pas après tout ? Michel, ami et parrain de ma vie professionnelle, accepte de m’aider à réunir les fonds pour payer la première récolte d’huile. C’est décidé : je vais faire adopter plein d’oliviers !

Le 7 décembre 2015, quand je lance officiellement le site adravasti.fr, j’ai 26 ans et le cœur léger. Peu d’anticipation, beaucoup de débrouille. Jean-Pierre, voisin et ami du village d’Adravasti, me sous-loue une petite place dans son atelier parisien. Les commandes arrivent et je me prends au jeu.
Au fil des mois, ma petite entreprise s’organise. Fini les étiquettes collées une à une, je fais produire d’un coup 4 000 bidons à Heraklion. Quand je visite l’usine Kretacan chargée de leur production, je me dis qu’Adravasti, ça devient vrai.
Un vrai bidon et bientôt une vraie boutique puisque j’investis Heureux Les Curieux, le sublime espace de Sabrina dans le Marais à Paris. Il était donc temps qu’Adravasti devienne un vrai boulot : en août 2017, je quitte mon CDI et je prends mon élan pour de bon.

J’en profite pour repartir d’un bon pied : je redonne un coup de neuf au site et, accompagnée de l’œil avisé du consigliere Federico, les formules se transforment. J’envoie désormais les bidons trois par trois. Moins de carton, moins de frais d’envoi, c’est plus de marge pour moi. Et j’en ai bien besoin car se payer un salaire, ce n’est pas une mince affaire. Les client.e.s se multiplient, les encouragements aussi. En 2019, Jean-Pierre et Thomas me donnent un gros coup de pouce et deviennent actionnaires d’Adravasti.
Vers le mois de mars 2020, les Français.e.s ont très envie de faire la cuisine. L’huile d’olive est un bien tout à fait essentiel que j’envoie dans toute la France. Pendant ce temps confiné, j’en profite pour vous écrire, beaucoup. Je m’éloigne un peu de mes oliviers pour faire parler les divinités. Quelle chance, ça vous plait. Cette année 2020, je dépasse pour la première fois les « six chiffres » de chiffre d’affaires. Jusqu’à l’été 2021, je profite un peu du vent que j’ai dans l’dos.
Mais dans cette épopée, il y a eu aussi quelques vents contraires qui soufflent fort en 2021. Des terreurs administratives, des palettes en retard, d’autres perdues, des poids lourds qui ne rentrent pas dans la rue. Des vendeurs qui disparaissent au pic de la saison d’été. Et l’angoisse de ne pas être sûre de me payer le mois prochain.
Comment faire grandir son entreprise quand on est seule ? Quand on pressent qu’on manque de compétences mais qu’on ne sait pas lesquelles ? À partir du printemps 2022, le projet Adravasti ne me permet plus de gagner correctement ma vie. La solitude me pèse et ma nouvelle vie marseillaise, bientôt familiale, semble inadaptée au rythme de l’olive et des marchés estivaux. Alors je comprends que cette expédition dans le monde de l’huile d’olive va prendre fin. C’est le destin de toutes les bonnes choses me dit-on.

Au moment de dire au revoir à ma petite odyssée, je garde en tête ces après-midis joyeux à embouteiller l’huile avec mon producteur Manolis et sa mère, la chaleur des clients du marché de Saint Sauveur, la satisfaction de recevoir un mail de confirmation de commande, l’ouvrir et reconnaître un nom familier. L’excitation de me sentir exploitante agricole, logisticienne et comptable la même semaine. Ce projet m’a offert la liberté de dessiner ma vie exactement comme je la voulais. Merci à vous de me l’avoir permis. Merci pour votre extraordinaire fidélité.
Aujourd’hui j’ai 34 ans et c’est avec mélancolie, un peu d’indulgence, et beaucoup de fierté que je regarde cette dernière décennie en compagnie d’Adravasti.
Et si je tourne la page de la vente d’huile d’olive pour le moment, vous continuerez à entendre parler de moi, donc restez bien connectés.
Mais avant de parler du futur, parlons du présent !
Et le présent c’est quelques centaines de litres de cette incroyable huile d’olive qui attendent de rejoindre vos cuisines, pour la toute dernière fois. Alors j’ai concocté pour vous une nouvelle offre particulièrement alléchante pour le grand destockage ! Les commandes s’arrêteront une fois que toute l’huile sera écoulée donc profitez-en vite.